Bureau Enflammé

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— C'est la troisième fois que vous expédiez des marchandises sans prendre l'assurance maritime adéquate ! Vous avez oublié, c'est ça ? Vous n'avez pas aussi oublié la tête de votre voisin de lycée tant qu'on y est ?

— Maigre Serio...

— Quoi !

Oh putain...

Je viens de gueuler sur ma patronne. Toute la colère que j'ai en moi disparaît en flèche. Je reste immobile sur ma chaise, attendant avec appréhension la suite.

— Maître Judas, occupez-vous de monsieur Storüng. Maître Serio, venez avec moi.

Ma patronne, Maître Rodi, quitte l'encadrement de la porte du bureau que je partage avec Judas et disparaît dans le couloir. Je me lève rapidement puis la suis. Au passage, j'ignore royalement le sourire moqueur de mon rival pour le poste de futur associé du cabinet.

Maître Rodi et moi entrons dans la salle de la machine à café. L'appareil est mis en marche et Maître Rodi se décide à entamer la conversation.

— Que s'est-il passé ? me demande ma boss d'une voix moins autoritaire que celle qu'elle avait il y a peu.

— Je suis vraiment désolée, je...

— Du calme Magalie, m'interrompt la trentenaire à la peau métissée, ça va faire quatre jours que tu sembles à cran et que tu n'arrêtes pas de marmonner des choses. En deux ans, c'est la première fois que je te vois comme ça.

Entendre mon prénom me soulage étrangement, même si je sais qu'au cabinet nous n'utilisons les formalités qu'en présence des clients.

— Oréane, tu te souviens des personnes que tu as rencontrées au lycée ?

— Je me souviens plus ou moins de toutes les têtes, pourquoi ?

Ça ne m'aide pas vraiment...

Oréane sourit comme si elle avait lu dans mes pensées. Elle récupère nos boissons et me tend une tasse. Je m'adosse au mur, de l'autre coté de la machine à café.

— Tu tournes autour du pot. Si tu ne veux pas en parler avec moi, je comprends tout à fait. dit-elle en tournant la tête vers moi.

Je lâche un profond soupire avant de me lancer :

— J'ai revu une fille avec qui j'ai fait le lycée...elle ne m'a pas reconnue...

— Tu as essayé de lui rappeler vos souvenirs communs ?

— Je n'ai même pas eu le temps de lui dire mon nom...lâché-je amèrement.

Oréane se contente d'afficher une mine pensive en buvant son café.

— J'ai été sa voisine pendant trois ans ! finis-je par dire pour briser le silence.

— Là par contre, soit elle est amnésique, soit ce n'est pas la bonne personne.

Le ton naturel avec lequel elle parle me fait tilter.

Pas la bonne personne ? Cela m'étonnerait. Il est quasi impossible que quelqu'un d'autre ait le même regard que l'Abigail que j'ai connue.

Peut-être l'amnésie, alors ? Cette hypothèse m'a l'air plausible, mais d'un autre coté elle me parait tellement...bizarre ?

Je ne sais même pas pourquoi je me tracasse avec cette histoire...

La porte principale du cabinet s'ouvre alors que je me positionne devant la machine pour relancer un tour de boisson. A voir le sourire de ma boss, je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir qui vient d'entrer : Joëlle, sa femme.

Maître Kessa dégage une aura plus « sérieuse » que celle d'Oréane. Cela est sûrement dû aux coupures strictes de ses tailleurs ainsi qu'à ses cheveux qu'elle maintient généralement en arrière. Quoique, je pense qu'elle opte pour cette coiffure pour s'assortir avec sa femme qui elle attache bien souvent ses locks en chignon.

Lorsque je me retourne enfin pour faire face à l'entrée, ma tasse me glisse des mains.

Souvenirs TruquésOù les histoires vivent. Découvrez maintenant