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Le genou du grand brun atteint le sol avec force et il se releva en vitesse, non sans qu'un grimace ne torde son visage fatigué. Il grommela bruyamment et arriva enfin à la porte de son appartement. Il ouvrit son sac à dos, et, ne parvenant pas à trouver ses clés du premier coup -évidemment ça n'arrivait que quand il était pressé-, il renversa l'intégralité de son contenu sur son vieux paillasson.
Les clés étaient dans sa main pendant tout ce temps.
Il les enfonça rapidement dans la serrure, ouvrit la porte, et de quelques coups de pieds négligés fit glisser le contenu de son sac à l'intérieur avant de rentrer et de fermer la porte derrière lui avec force. Il couru à la cuisine chercher un paquet de cigarettes et un verre d'eau, et en renversant les trois quarts de ce dernier il se précipita sur le balcon.
Il y eut un moment de silence, un moment un peu long où son regard se perdit sur l'immensité de la mer d'immeubles qui noyait son regard. Où ses pupilles lasses se trouvèrent happées par la grisaille de la ville, et où il ne parvint pas à s'en détacher.
Puis le "silence" qui l'enveloppait se retrouva brisé.
La bulle de calme morose dans laquelle il s'emprisonnait explosa en milles morceaux, et une voix à la douceur inhumaine s'éleva dans les airs. S'échappant de la fenêtre d'une salle de bain voisine -il entendait l'eau couler derrière-, la mélodie enchantée fut comme un tourbillon qui dévasta le coeur de notre jeune protagoniste.
C'était juste quelques vocalises, quelques sons doucereux qui lui parvenaient à peine, rien de très compliqué, mais ça le faisait vibrer. Des frissons caressaient ses bras nus, et des larmes d'émotion lui faisaient briller les yeux.
Un sourire inexplicable naquit au creux des lèvres du fumeur, découvrant d'adorables fossettes.
Et il était beau, à cet instant, Namjoon. Namjoon et ses fossettes qu'on rêverait de toucher. Namjoon et ses yeux de jais qui brûleraient le monde. Namjoon et ses grandes mains qui réchaufferaient n'importe quelle autre main. Namjoon et son si beau visage, sublimé par des larmes si pures qu'on en pleurerait nous même.
Il n'est plus seul, il n'est plus triste. Son paquet de clopes git sur la table et n'a plus rien de la grisaille écœurante qui lui détruisait les poumons hier encore.
Le blond s'assit sur l'une des chaises de plastique de sa terrasse, leva son regard vers le ciel et ferma les yeux en se balançant légèrement.
La mélodieuse voix de l'ange qui lui servait de voisin se tut, l'espace d'un instant, avant d'entamer un nouveau chant qui fit le frémir.
Ses doigts tapotèrent sur la table en un rythme qui accompagna parfaitement la mélodie légère et douce qui lui bercait l'âme.
C'était comme une berceuse, qui ravivait mille souvenirs d'enfance, mais c'était aussi comme une ballade qu'on écoutait à deux, main dans la main, pour s'aimer plus encore. C'était doux malgré la puissance masquée de la voix angélique, et la poésie des paroles vous caressait l'esprit avec tendresse.
À première vue, on aurait pu croire que c'était une histoire d'amour. Mais si on écoutait bien, on se rendait rapidement compte qu'il s'agissait en fait d'un concentré d'espoir, d'amour, de tant de choses qui faisaient du bien à l'âme. On réalisait alors que c'était une chanson qui vous demandait de vous aimer, d'être votre propre lumière dans l'obscurité.
Tout avait commencé deux jours auparavant. C'était la troisième fois qu'il se penchait sur son balcon pour mieux entendre la voix mélusine, et à chaque fois il se sentait un peu mieux. Le chant d'une créature inhumaine comme remède à son mal de vivre.
Et, ce soir là, alors qu'il écoutait attentivement les mélodies chantonnées un peu au hasard, des mots étaient venus se calquer, naturellement, sur les notes inconnues.
Il répéta alors quelque fois les mots, les savourant, les faisant rouler sous sa langue comme des vagues d'océan.
C'était beau.
Ça faisait des année qu'il n'avait rien écrit, que sa tête se vidait dès qu'il tentait de mettre des mots sur quoi que ce soit. Et là, il tenait du bout des doigts une perle rare !
Après s'être précipité à toute vitesse dans sa chambre, il avait griffoné sur un vieux carnet les quelques phrases qui avaient effleurées son esprit.
Et puis, vers deux ou trois heure du matin, il était sorti de son lit, les yeux comme dans la brume, il avait ouvert son ordinateur et il avait écrit. Sans jamais rien supprimer, sachant où il allait sans trop vraiment savoir, il avait laissé l'encre de son coeur tâcher l'écran qui de sa lumière couvrait son visage d'un féérique voile opalescent.
Il avait imprimé les petits paragraphes et au stylo, de son écriture tremblante, y avait ajouté quelques annotations.
Il avait glissé le fruit de son travail sous la porte de son voisin sans trop réfléchir.
Et comme par magie, ses paroles avaient finies par se lier à la mélodie créée par son voisin, quand ce dernier chantonnait sous la douche.
