2 - Vie de rêve

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Je m'éveille aux premières lueurs de l'aube lorsqu'un rai de lumière timide vient effleurer mes paupières encore closes. J'ouvre un œil, me souviens vaguement avoir oublié de tirer les rideaux la veille, et le referme aussitôt avec un soupir d'aise, goûtant au plaisir coupable de me rendormir. Juste une petite heure, une toute petite heure de plus...

La seconde fois je me réveille en sursaut. Le brunch ! Quelle heure est-il ? Un coup d'œil en direction de la baie vitrée m'indique que la matinée est bien avancée : désormais haute dans le ciel d'un bleu azur sans nuage, la double étoile autour de laquelle gravite Prioxus brille de tous ses feux, inondant ma chambre de son éclat.

— Zut !

D'un geste brusque, je repousse mes draps, bondis sur mes pieds et me précipite vers la penderie. Je m'empare de la première tenue qui ne me vaudra pas une récrimination maternelle et tresse ma longue chevelure auburn avec le plus grand soin. Un soupçon de parfum, un maquillage léger, une dernière vérification...

Ma psyché me renvoie l'image d'une jeune femme au teint de porcelaine et aux yeux gris-verts d'une élégante sobriété. La gentille, sage et parfaite mademoiselle de Tallec, telle que l'attend la bonne société, la seule qui obtiendra jamais l'approbation de sa parentèle.

— Je te déteste.

Je tire la langue à mon reflet et lui tourne le dos pour rejoindre mes parents.

La chaleur s'abat sur moi comme une chape de plomb dès que je passe le seuil de la porte-fenêtre donnant sur la terrasse. C'en est presque suffocant et je bénis la pergola végétale qui me protège des rayons ardents de l'été. Je profite une brève seconde du point de vue qui m'est offert sur le parc arboré en contrebas avant de m'en détourner pour me diriger vers la table dressée spécialement pour l'évènement hebdomadaire. Je ne peux m'empêcher de remarquer la présence d'un quatrième couvert et jette un regard surpris à mon père, auquel la barbe soigneusement taillée donne l'air sévère.

— Attendons-nous un invité ?

Ma mère éclate de rire.

— Voyons Cassandre ! Charles ! Tu te souviens ? Nous l'avions invité à se joindre à nous la semaine dernière !

Sa réaction me fait la même impression que celle de mordre dans un fruit acide et je dissimule mon dépit en feignant un sourire qui, je l'espère, donnera le change.

— J'avais oublié, lui assuré-je en prenant place à côté d'elle.

Ce qui n'a rien d'un mensonge. Ma mère lève les yeux au ciel avec un soupir.

— Comment fais-tu ? Cela me dépasse ! Tu es toujours si distraite... et ce n'est pas de moi qu'elle tient ce trait de caractère, David !

— Bien sûr ma chère, répond mon père sans lever les yeux de son terminal, absorbé par quelque rapport d'activité sans doute.

Ma mère pose sa main sur mon avant-bras pour attirer mon attention.

— Tu devrais prêter un peu plus d'intérêt à Charles ma chérie. Vous êtes fiancés après tout.

— Oui...

Je ne déborde toujours pas d'enthousiasme et cela doit se voir cette fois car elle m'effleure la joue avec un sourire qui se veut rassurant. Dois-je lui dire que l'échec est total ?

— Ma chérie. Je sais que ce genre d'arrangement n'est pas ce dont rêvent les femmes à ton âge, mais cela ne fait pas forcément de mauvais mariages tu sais.

Rêve de CassandreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant