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Je regarde l'heure, 20h30, je n'ai rien fait de ma journée. En fait, j'ai encore pensé à Victor et j'ai du mal à me faire au fait qu'il ne fasse plus partie de notre monde. Mais je n'avais plus de contact avec lui alors je ne ressens pas le manque d'un décès en temps normal. Je m'allonge sur mon lit et me remet à penser. Je sais que Lewis et Camille se sont vus aujourd'hui et aussi bête que ça puisse paraître, je suis atrocement jaloux. C'est uniquement amical entre nous, j'en suis sûr mais j'ai l'impression de la perdre. Nous parlons de moins en moins et ce n'est pas le couple de filles qui va me rendre visite. Ils ne me proposent pas de me joindre à eux car "on fait connaissance, il me plaît bien mais t'inquiète je t'oublie pas" je lâche un long soupire. Pour la énième fois je regarde mon téléphone en espérant recevoir un message et cette fois-ci, c'était le cas. Mais pas de la personne attendue.

Alix:
J'ai gagné

Moi:
Quoi ?

Cette fille est incompréhensible. Je soupire et entend mon père crier d'en bas.

- Jooooshhh ! Des gens pour toi à la porte !!

Mon sourire s'étire. Camille est enfin venue me rendre visite. Je descends les escaliers impatient comme un enfant et arrive à la porte.

Mon cœur rate un battement, j'ai du mal à croire ce que je vois, elle est là, elle semble tout autant déboussolée que moi. Tandis que l'autre sourit bêtement. Mon père s'éloigne de la porte. Je me sens fébrile, incapable, je reste immobile. Mes jambes tremblent et mon regard ne peut plus se décrocher de cette scène. Elles sont réellement là, devant moi avec leurs valises.

- J'ai gagné Josh, lâche Alix.

Je reporte mon regard vers elle, la bouche entrouverte. Elle est grande, environ 1m70, elle a de courts cheveux blond et des yeux marrons qui me regardent fièrement.
À côté d'elle se tient celle que j'ai aimé. Elles sont toutes deux ici, devant moi. Manon. Elle a toujours ses fins cheveux marron qui retombent sur ses épaules, son regard un peu perdue et gênée. Elle recule d'un pas.

- Alix... Tu es... Une sale conne, soupire Manon.

- Ah je me suis trompée de pays? C'est pas ici l'Italie?

Je n'ai pas la tête à réagir à ce qu'elle dit. Je reste encore une fois immobile, inerte, inutile. Je suis incapable de prononcer le moindre mot. Alix me regarde toute sourire en me faisant des clins d'œil sans discrétion. Manon regarde ses pieds et se balance de l'un à l'autre sans oser lever la tête. Moi je fixe le vide et alterne parfois entre les deux.

- Tu fais rentrer tes invités ? me dit mon père dans sa langue.

- Yes j'ai compris, je suis trop forte en anglais, crie Alix.

Je la regarde en haussant un sourcil, elle est stupide alors que ce n'est tellement pas le moment.
J'entre chez moi et m'assois sur le canapé. Mon père part faire du jardinage dehors. Un silence pesant s'installe, Manon joue avec son bracelet et Alix observe les alentours comme si elle s'apprêtait à me voler quelque chose.

- Vous êtes gênant, parlez.

Personne ne répond, rien ne peut casser ce silence. Je ne sais pas encore si je dois penser que c'était une superbe idée ou une idée vraiment mauvaise.

- Qu'on soit bien d'accord, aucun de vous n'était au courant, ajoute Alix.

Tout s'expliquait, chacun de ses lapsus révélateurs que je n'ai pas su détecter. Car pour moi, c'était impossible qu'elles viennent ici.

- Bon maintenant que je suis bilingue je vais discuter avec ton père, plaisante Alix.

Elle se lève et quitte le salon pour se diriger dans le jardin ou mon père est.
Le silence est de plus en plus embarrassant. Elle ne me regarde pas, elle continue de faire n'importe quoi avec son bracelet. Je la regarde depuis tout à l'heure en ayant aucune idée de quoi lui dire.

- J'ai le droit de fumer ? me demande-t-elle en évitant toujours mon regard d'une voix tremblante.

J'opine et elle sort une cigarette, mon père s'en fiche que sa maison empeste le tabac. Elle l'allume et la porte à sa bouche avant de tirer dessus plusieurs fois. Elle recrache la fumée en faisant gaffe que ça ne m'atteigne pas.

- Alors ça baise ici ? hurle Alix d'une voix beauf depuis la porte d'entrée.

Personne ne lui répond. Elle ne comprend pas qu'elle doit assumer les conséquences de ses actes.

- D'ailleurs j'ai parlé à ton père et vous avez une chambre d'amis du coup il est d'accord pour nous héberger ! Cachez pas trop votre joie mais on va vivre ensemble ! gueule Alix.

C'est la goutte de trop. Je ne peux pas passer de cette extrême à l'autre. Celle de devoir l'oublier pendant un an et de maintenant devoir cohabiter avec elle durant... Une durée indéterminée.

- Du coup on devait rester deux semaines mais on reste jusqu'à la fin des vacances, ton père c'est le sang.

Elle tourne les talons et finit par enfin quitter l'entrée de la porte pour retourner dans le jardin.

Manon fume et refume, ne laisse passer aucune émotion sur tout ce que vient de dire Alix. J'ai fait pareil. Je ne peux pas parler, elle non plus. Pourtant nous devrions, en un an nous en aurions des choses à nous raconter.

Mais le silence reste pesant.

Mon père entre dans la salle et affiche un sourire moqueur à notre vue avant de proposer un film pour cacher le malaise, de vrais gamins.
Il nous met Jurassic Park que je n'avais même pas eu le temps de voir.

Évidemment Alix est entre nous, elle fait des commentaires tout le temps et rigole à tout. Je ne suis même pas concentré sur le film, je réfléchis à comment va se dérouler la cohabitation. J'ai un peu peur. Enfin non, pas qu'un peu. Parfois je me demande pourquoi tout s'est passé comme ça dans ma vie ennuyante. Elle aurait dû le rester mais rien ne s'est passé comme ça. Je ne vais pas m'en plaindre.

À la fin du film, les deux filles doivent ranger leurs valises et s'installer. Je n'arrive toujours pas à croire que mon père soit si cool.

Pendant qu'elles font ça, je décide de discuter avec lui.

- Papa, elle t'a donné combien pour rester?

- Mais rien, elles allaient dormir dans un hôtel hors de prix c'est pas deux bouches de plus à nourrir qui vont me tuer, je bosse quand même je te rappelle, me dit-il fièrement.

- Non papa, réellement je ne te comprends pas.

Il me regarde intrigué.

- Tu ne les aimes pas ?

- Si.... Enfin... Écoute ce sont les filles avec qui j'ai passé mon été dernier, c'est sensé être du passé.

- Elles ont pas l'air bien dangereuse mais si elles t'influencent tu dois refuser et m'en parler !

- Ce n'est pas ça le soucis.

Il soupire montrant son désespoir à mon égard et tourne les talons.

AloneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant