Chapitre 1.2

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La lettre

Brume se leva difficilement. Elle avait encore ces courbatures venues de ces cours de danses et d'expression corporelle intensifs. Depuis que sa mère avait renvoyée son ancienne professeure de danse et avait décidé de la remplacer par elle-même, la jeune fille perdait au fur à mesure sa souplesse et son agilité et devenait aussi rigide et inflexible qu'une branche d'arbre, trop tendue par la présence et les exigences de sa mère. Elle qui n'adorait pas la danse, elle en avait délaissé le moindre plaisir de se mouvoir et cela ne devenait plus qu'une horrible tâche à finir au plus vite. Elle impressionnait pourtant les autres femmes lors de ses représentations, par sa grâce et sa précision. La jeune fille dansait bien mieux lors de ses spectacles, qu'elle composait elle-même et où elle voulait retranscrire toute la haine qu'elle portait à sa mère. Malgré tout ses efforts pour extérioriser cette haine, elle n'y arrivait pas et devenait de plus en plus insupportable. 

Après s'être complètement réveillée, Brume appela sa gouvernante qui n'avait pas été remplacée depuis longtemps. C'était la seule personne que sa mère ne considérait pas comme une moins que rien, et à qui elle parlait autour d'un thé. Aussi étrange que cela puisse être, c'était aussi la personne que Brume préférait dans son cercle très restreint de connaissances. Elle ressentait une sorte de connexion avec elle, malgré que Ley, la gouvernante était âgée de bien 5 ans de plus qu'elle. 

Ley arriva dans les secondes qui suivaient. La gouvernante devait sûrement, comme à son habitude, avoir attendu patiemment le réveil de sa maîtresse. Elle lui apporta des petits beignets accompagnés d'un thé vert. Brume n'avait pourtant pas l'habitude de manger des choses grasses et suivait un régime alimentaire strict et équilibré, surveillée de près par sa mère. Elle se jeta alors sur les beignets et les dévora, se disant que pour une fois, elle n'avait pas à surveiller ses bonnes manières. Elle demanda à Ley :

"En quel honneur ai-je eu le droit à manger ces bonnes choses ?"

Ley lui répondit : "Eh bien, je ne peux vous donner une réponse, car je dois m'absenter rapidement, avant que votre mère ne se rendre compte d'une chose.

- Pourquoi ? Se passe-t-il quelque chose de grave ? 

- Ce qui va bientôt se passer n'est pas grave, les choses vont simplement changer. 

- Arrêtez ! Soyez claire ! Je ne suis pas ma mère qui vous en empêchera ! s'énerva Brume, l'incompréhension se lisant sur son visage. 

- Je suis désolée. Nous nous retrouverons bientôt. Et faîtes attention, vous risquez d'être secouée."

Ley ouvrit alors la fenêtre et sauta dehors en un instant. Brume fut surprise et eut peur pour Ley, sa chambre se trouvant au troisième étage et se précipita vers la fenêtre. Dehors, aucune trace de Ley, elle avait disparue. Brume sortit alors de sa chambre pour se retrouver dans son petit salon. Elle ne perdit pas une seconde pour quitter ses appartements, encore en petite chemise. En dévala les escaliers à vitesse ahurissante sans croiser la moindre personne du personnel. Au rez-de-chaussée, elle se fit plus discrète pour ne rencontrer personne, et encore moins sa mère. Elle n'était pas censée quitter ses appartements sans être accompagnée.

Arrivée dans le jardin, elle regarda tout autour d'elle, sans apercevoir la moindre personne : tout cela était bien étrange, il aurait du y avoir de nombreux jardiniers s'affairant autour des rosiers et des haies du jardin. Il aurait dû aussi y avoir les deux vigiles auxquels sa mère confiait le devoir de protéger tout le manoir. Brume fit le tour de sa propriété plusieurs fois sans trouver ne serait-ce qu'une seule personne. Elle finit par s'asseoir sur un banc, peut-être que quelque chose se passerait. 

Effectivement, quelques minutes plus tard elle entendit un bruit, un frôlement de feuilles. Elle ne bougea pas et écouta. Elle entendit de nombreux autres bruits, lui indiquant que ce qui se déplaçait était bien une personne, et qui plus est, ne cherchait pas à se cacher. Au fur à mesure, Brume avait l'impression qu'il n' y avait pas une seule personne, mais bien deux, alors que les bruits de pas ne lui indiquait que seule une personne marchait. Elle sentit une présence féminine et joyeuse. L'autre présence lui semblait plus marquée par la vie, plus dure, mais gaie en ce moment présent. Elle lui paraissait aussi très familière. 

Les deux présences tournaient clairement autour d'elle mais sans se faire voir. Plus le temps passait, plus elle se fatiguait, et la situation n'avançait guère. Elle décida de remonter dans sa chambre se reposer. Ce qui commençait à être étrange, c'est que les présences la suivaient certes à distance, mais elles la suivaient. Elle rentra rapidement dans le manoir et ferma toutes les portes du rez-de-chaussée.

Les présences avaient disparues. Brume ne savait pas si cette chose était rassurante ou en plus inquiétante. Dans sa chambre, Brume remarqua une lettre à côté des beignets qu'elle n'avait pas encore mangés. Même s'ils étaient froids, ils semblaient encore délicieux. Elle ouvrit alors la lettre et mangea un beignet en même temps : 

"Salut, tu dois te poser beaucoup de questions sur ces deux présences, non ? Eh bien, nous sommes juste derrière toi. Ne te retourne pas tu ne vas plus pouvoir bouger dans quelques secondes : j'ai mis un petit quelque chose dans tes beignets. Après si tu veux ne plus pouvoir bouger dans une position inconfortable, soit. Bref, tu dois te poser pleins de questions, comme cette deuxième présence familière ? Tu vas avoir des réponses dans peu de temps, ne t'en fait pas. En attendant, on va quitter cet endroit que tu n'aimes pas tellement que ça, n'est-ce pas ? ce ne sera pas aussi confortable que ton petit lit douillet mais bon, tu t'y feras ! Bon, on y va. 

On se rencontre demain." 

Brume vit bien son corps se raidir jusqu'à ce qu'il ne lui réponde plus. Deux personnes la prirent et un tunnel gris apparut devant ses yeux, comme si de rien n'était. La personne qui lui semblait avant familière eut l'air aussi impressionnée qu'elle. Et cette personne, ce n'était pas comme d'habitude, cette personne, sans qu'elle n'eut besoin qu'il se retourne, elle su que c'était un garçon. 


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