Chapitre 12

2.3K 288 26
                                    

« Tout dans l'immuable Nature

Est miracle aux petits enfants :

Ils naissent, et leur âme obscure

Éclôt dans des enchantements. »

— Anatole France, Âmes obscures


Les rideaux ouverts lui indiquèrent que la nuit avait commencé. La main de Jehanne traina sur les draps froids du lit, à la recherche d'une présence. Mais Arian ne se trouvait plus dans la chambre. La veille, après avoir bu une dernière gorgée de son sang si onctueux, Jehanne s'était réellement endormie. Avec le lycan à ses côtés. Et le loup s'en était visiblement allé avant son réveil.

Quel goujat, voulut-elle soupirer avant de se souvenir qu'elle s'en fichait éperdument.

Se retournant dans le lit, le tissu s'emmêla à ses jambes. Elle se démena et se redressa, sa poigne trouvant sa gorge. La déglutition fut difficile durant plusieurs secondes. Une soif imaginaire la plaçant devant un problème naissant : son corps allait supplier du roich. Pas aujourd'hui, sans doute pas demain. Mais boire du sang n'aiderait pas longtemps.

Cela lui était arrivé de décrocher. Un véritable calvaire, mais un passage alors nécessaire pour ne plus dépendre ni des Idoles, ses fournisseuses, ni de quiconque. Et après ce sevrage, son corps avait pu à nouveau respirer. Le soleil avait même menacé de ne plus la brûler aussi douloureusement qu'auparavant. Après tout, la laisser brûler au soleil ne la tuerait pas. Jamais. Mais la douleur rendait fou.

Pourtant, tous ses efforts avaient volé en éclat. Un simple échec et un détour dans l'enfer des prisons des Idoles avaient fait l'affaire. On s'était fait une joie de lui proposer de cette drogue durant son séjour là-bas. Craquer fut bien plus facile que de résister. Voilà où cela la menait aujourd'hui. Il était toujours plus simple de replonger que de cesser complètement.

Jehanne avait-elle seulement envie de redevenir clean ? Le roich l'aidait. Et arrêter d'en prendre était une promesse à plus de souffrance encore.

Elle repoussa les draps, les laissant glisser au sol pour se lever. Vêtue de sa tenue de la veille, elle profita de la douche et s'habilla après un plaisant brossage de dents. L'eau n'avait pas été bien chaude. Glacée jusqu'aux ongles, Jehanne ne put empêcher ses serres de sortir. Impossible de se frictionner dans cet état.

Où est ce fichu sac à puces lorsqu'on a besoin de lui ?

Avec la boule de poils, pas de problème de chaleur. Ce radiateur ambulant pouvait se transformer en une bête au doux pelage, dépassant les deux mètres sans difficulté. Un gros nounours dont les griffes l'égorgeraient sans sourciller s'il ne reconnaissait pas en elle son âme sœur.

À défaut d'un loup, le drap par terre fit l'affaire. Elle commençait à apprécier le confort. Pourtant, s'y habituer était un risque. Bientôt, Jehanne fausserait compagnie à toute cette vie qu'Arian lui proposait.

Elle finit par soupirer, sortant de la chambre. L'étage se composait de plusieurs pièces, et Jehanne ne connaissait que celle qu'elle venait de quitter. Elle ne joua pas les curieuses se dirigeant plutôt vers les escaliers pour se rendre dans le salon. Là, une pâle copie d'Arian lisait un livre.

— Daveth, c'est ça ?

— Si tu cherches Arian, il est parti se promener.

— Seul ?

Au rythme de la nuit 1 - Le Papillon écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant