Au rythme de la nuit 1 - Le Papillon écarlate

Chapitre 3

« Hélas ! le poison et le glaive

M'ont pris en dédain et m'ont dit :

" Tu n'es pas digne qu'on t'enlève

À ton esclavage maudit,

Imbécile ! - de son empire

Si nos efforts te délivraient,

Tes baisers ressusciteraient

Le cadavre de ton vampire ! " »

— Charles Baudelaire, Le vampire

Assise sur un muret, ses jambes se balançant avec légèreté dans le vide, elle décrivait de ses yeux ce qui semblait être le chasseur venu pour elle. Le colosse devait faire dans le mètre quatre-vingts. Les épaules étaient larges et le corps, aussi puissant que l'on pourrait s'y attendre de la part d'un homme venu combattre le célèbre Papillon écarlate, se composait d'une musculature ne servant pas seulement pour la beauté du spectacle. Sa mâchoire carrée se contracta, les dents serrées sous l'effet d'une rage flagrante.

Jehanne se savait ne pas avoir une très bonne réputation auprès des créatures du Téras. Arme génocidaire des Idoles ou Papillon écarlate, sa notoriété ne la qualifiait pas de surnoms démontrant son empathie. Le message se voulait explicite : elle se montrait si violente que son apparence se voulait être un cosplay de Carrie.

Elle se serait donc attendue à ce qu'un être d'apparence menaçante, envoyé par la Rébellion, se jette sur son ennemi sans discuter. Il parut pourtant hésiter. Se serait-elle trompée dans son interprétation ?

— Guerrier, es-tu venu pour me tuer ? questionna-t-elle pour s'assurer de l'identité de l'inconnu.

Ses mots étaient stupides puisque la réponse était évidente. Elle pouvait la lire dans ses yeux argentés.

À côté de lui, elle ressemblait très certainement à une pauvre petite femelle sans défense. Il devait être un homme féroce et redoutable au combat, bien que Jehanne fut persuadée d'être capable de le détruire avec une facilité enfantine. Se fier aux apparences pouvaient s'avérer fatal dans le Téras. Elle en avait combattu des plus imposants que ça.

Avec l'âge, elle gagnait en confiance, devenant presque présomptueuse.

Dans tous les cas, elle se sentait honorée de voir que la Rébellion ne la prenait pas à la légère. L'organisation lui envoyait un guerrier lycan. Une créature tout en instinct, capable de continuer de se battre même avec un corps au bord de la mort. Ces bêtes possédaient à la fois la force, l'adresse et la rapidité. Il valait mieux être préparé lorsque l'on souhaitait se battre contre une telle monstruosité de la Nature. Ou bien ne pas beaucoup tenir à la vie.

Seulement, l'atmosphère entre elle et le chasseur venu la détruire se voulait bien différente de ce à quoi la kèr s'était attendue. Il ne lui sautait pas à la gorge, ni ne la menaçait ou ne l'insultait de mots vulgaires, voire rabaissant.

Ce mâle l'observait avec curiosité et fascination, comme la plus belle chose qu'il ait pu voir de toute son existence. Peut-être se faisait-elle des films ?

Il s'avança, l'obligeant à avoir un mouvement de recul sur son perchoir. Ce geste le fit se figer. L'homme fronça les sourcils, apparemment persuadé qu'elle serait restée sans bouger, à l'attendre patiemment. Il n'était pourtant pas question qu'elle offre son cou à cette épée qu'il avait emmenée ! Dans son fourreau, la lame n'avait pas encore été dégainée. Mais sans aucun doute, elle lui était destinée.