Chapitre 14

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« Ils sont si transparents, qu'ils laissent voir votre âme,

Comme une fleur céleste au calice idéal

Que l'on apercevrait à travers un cristal. »

— Théophile Gautier, À deux beaux yeux


Comme toujours, Arian s'était montré collant et autoritaire, voulant la plier à ses propres désirs. Il ne l'avait pas écouté et les restes de leur dispute, de leur bagarre, s'éparpillaient un peu partout. Tressons de vases, objets à terre, murs enfoncés.

Il l'avait poussé. Et elle... Jehanne avait craqué. Elle ne montrait plus de signe de colère, juste de la peur. Blême, les larmes aux yeux, elle prenait conscience de ses propres mots. Ils n'étaient pas anodins.

— Parce que je suis une kèr... sanglota-t-elle en se répétant plus calmement.

Arian ne cacha rien de sa surprise, évidemment. Lui, plus que quiconque, devait savoir ce que cela impliquait et comprendre les raisons poussant les Idoles à vouloir sa mort tout en évitant une confrontation directe.

Le Téras abritait de nombreuses espèces différentes les unes des autres. Les kères étaient de celles que l'on avait oublié. Mais la Rébellion devait sans doute les connaitre.

— Une kèr ? s'étonna enfin Arian. Mais l'espèce est éteinte.

— Nous nous cachons mieux, c'est tout.

Elle tremblait. Elle tremblait vraiment ! Il s'en rendit compte. Sinon, pourquoi ouvrit-il ses bras pour l'attirer dans son étreinte ?

— Jehanne, raconte-moi ton histoire. Raconte-moi tout.

Mais pouvait-elle se confier à ce point à Arian ?

— Dis-moi ce que tu sais des kères, exigea-t-elle en premier lieu.

Soulevant délicatement sa main, il en caressa les ongles avec une délicatesse rare, lui embrassant le bout des doigts.

— Dans la Rébellion, nous avons désespéré de trouver un moyen pour éliminer facilement les Idoles. À notre connaissance, seule une Idole peut tuer une autre Idole, et Salathiel. Mais de ses propres dires, la méthode est trop complexe, et il serait bien incapable de renouveler ce miracle.

Donc l'unique individu ayant tué une Idole n'était plus capable de le faire. Une information en or à détenir.

— Et en nous renseignant, nous sommes tombés sur un nom. La kèr.

Un frisson lui remonta l'échine. Jehanne éprouva le besoin de s'asseoir.

— Il est dit que les Idoles n'ont pas peur de grand-chose. Mais croiser les charognardes du Téras les terrifie au plus haut point.

Les kères étaient considérées comme des charognardes. Elles se nourrissaient principalement de sang, mais également de chair. Et les cadavres étaient un repas dont elles ne se privaient pas.

— Apparemment, les kères possèderaient un pouvoir, un don capable de tuer efficacement des Idoles.

Cette fois, elle s'obligea à s'installer dans le canapé tout proche. Ses jambes allaient flancher. Arian en savait suffisamment sur son espèce pour l'inquiéter.

— Pourquoi me le cacher Jehanne ?

— Je le cache depuis des siècles ! Pourquoi te l'aurai-je révélé ? Pour que tes petits copains rebelles et toi, vous puissiez me harceler et me demander de combattre à vos côtés ?

Au rythme de la nuit 1 - Le Papillon écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant