Chapitre 16

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« Mon cœur souffre et la douleur engourdit

Mes sens, comme si j'avais bu d'un trait

La ciguë ou quelque liquide opiacé,

Et coulé, en un instant, au fond du Léthé »

— John Keats, Ode à un rossignol


— Où est-il !

Jehanne hurla, la rage au ventre. La panique crispait ses muscles et la peur tirait les traits si délicats de son visage. Ses yeux et ses mains balayaient les lieux souterrains avec une rapidité qui l'aurait surprise elle-même si elle avait eu le temps de s'en préoccuper.

Ajouter à cela le fait qu'elle avait soif...

Éponger son front ne suffisait plus. Elle suait de chaque pore de sa chair. Un frisson parcouru son corps déjà tremblant de froid. Sa peau la brûlait, menaçait de fondre. Tout était douloureux jusque dans ses os. Tout brûlait, tout se brisait.

Pour oublier, elle hurla à la fois de douleur et de fureur. La soif. Jehanne était accro, Arian avait raison. Une toxico.

Déplaçant les pierres de la crypte, ce lieu qui l'avait abritée il n'y avait pas quelque temps, elle cherchait avec une frénésie sans précédent. Elle devait le trouver, trouver son manteau.

Mon manteau...

Jehanne perdit son souffle. Faisait-elle une crise d'asthme ?

Elle avait vraiment perdu sa respiration, sa tête commençant à tourner. Son manteau absent la rendait nerveuse et son besoin en roich commençait à lui faire perdre la tête. Il s'en trouvait encore dans la crypte, dans des cachettes que la Rébellion ne semblait pas avoir découvertes.

Résiste. Le visage du lycan lui revint à l'esprit, comme pour l'encourager, et cela fonctionnait un peu.

Elle n'eut d'autre choix que de s'assoir au sol, à côté du cadavre de Rip.

— Et toi, mon ami, est-ce que tu sais où est mon manteau ?

Évidemment, le crâne ne répondit rien. Elle trémulait des doigts, mais parvint à se saisir de son ami, plongeant ses yeux dans ces orbites vides et sans fond. Y trouverait-elle une réponse ?

Et si elle s'était trompée, que son manteau était bien dans ce château appartenant à la Rébellion, en Irlande ?

À la sortie du Téras, Jehanne s'était perdue dans la forêt. Mais une fois son chemin retrouvé, puis un village aperçu, les humains acceptèrent de l'aider à trouver son chemin. Daveth vivait en France, ce qui l'arrangeait pas mal. Et surtout, dans la région de Bretagne. Jackpot ! Mais faire le chemin à pied fut plus long et douloureux que prévu. Les premiers symptômes du sevrage avaient commencé à se ressentir. Sans le sang de son lycan, cela s'avérait difficile à supporter. Dès qu'elle avait froid, le souvenir de sa chaleur pressait son corps d'impatience. Ses mots tournaient en boucle dans son esprit, comme pour la soutenir à la place de l'amant qu'elle avait laissé sur place. Un bras en moins. Peut-être avait-il eu mal ?

Après tout, il en fallait plus pour faire vaciller Jehanne, mais tous les tératos ne possédaient pas cette adaptabilité à la douleur.

Son regard se posa sur le bras d'Arian, qu'elle avait emporté avec elle dans son voyage. Pas de raison particulière, mais puisqu'elle possédait un esprit détraqué...

Elle laissa un instant Rip, prenant le bras. Cette grande main était froide, et la chair dévoilait des déchirures ici-et-là. Elle s'était nourrie dessus. Mais jamais sur la main directement. Les kères se nourrissaient de cadavres après tout. Pourtant, ce sang mort n'avait qu'animé de la peine, comme si son corps rejetait la possibilité que le lycan puisse mourir.

Au rythme de la nuit 1 - Le Papillon écarlateOù les histoires vivent. Découvrez maintenant