Défi - Deux fois quatre saisons, à plus ou moins 23 ans

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J'ai commencé à randonner les chemins de l'écriture aux premiers émois de l'adolescence par des vers discutables sur la nature, et notamment les 4 saisons, qui sont exposés à la vindicte populaire, à l'opprobre des critiques ou à la mansuétude miséricordieuse des butineurs de poésie dans mon recueil Aubes et Crépuscules.

Questionné par Aurore_Chassac sur ce que pourraient devenir ces 4 saisons sous ma plume plus mature de trentenaire, voici ce que je vous propose...

***

Reverdie

Le givre scintillant craque et fond et s'envole
En volutes diaphanes qui brouillent la vue
De reflets chatoyants qui nous tirent aux nues
Au-dessus de la vie qui cascade et rigole.

Partout entre nos pieds, nos pas éclaboussés
D'arcs-en-ciel en bouquets ou butinant gaiement,
Dansent d'un pas léger tout le long des torrents
Accompagnés du chant des oiseaux enfiévrés.

Nous n'attendions plus rien sous le manteau glacé
Du marbre si certain des espoirs trépassés
Mais le bouton de rose à nouveau est éclos :

Il rosit sur les joues, parfume les haleines
Et ravive le sang sous la vie qu'on déchaîne :
Soudain tout est possible : il n'est rien de trop beau !


Moiteurs

Les corps sont délassés, enlacés, enchâssés,
Et le ciel bien trop clair est piqueté d'étoiles
Sous lesquelles les flux et reflux des marées
Portent ces doux esquifs sur les flots qui dévoilent.

La chair parcourt la chair et les déserts se meurent
Sous ces cieux si sensés où s'étanche la soif,
Où le vent dans l'instant couronne ou bien décoiffe,
Où la dune à nos pieds nous hisse ou bien nous leurre.

Il n'est plus de passé, pas plus que d'horizon :
Le présent tout autour est l'unique raison,
La seule déraison, la dernière oraison,

Et l'on s'y brûle entier sans craindre ce qui suit,
Qui vaut moins que cette heure où s'épanouit la vie,
Où s'expriment nos coeurs et toutes nos passions.


Gravité

Tombent les bras et le regard qui flanche
Quand le corps bien trop tôt se tait et soudain penche
À l'affût de la terre où se creuse la fosse
Des amours trépassés et des vanités fausses.

Les arbres se défeuillent et ocrent dans le vent
L'horizon qui entasse les regrets qui craquent
À chacun de nos pas sur le chemin vivant
Qui s'éteint ce faisant que l'espoir se détraque.

Le couchant mordoré nous rend mélancoliques
Dans le sang desséché de la nature en berne
Et nos jambes se figent sous un regard trop terne.

Il n'est plus que le vent qui siffle dans les branches
Son joli chant de pluie appelant l'avalanche
Des larmes qui noieront les remords faméliques.


Glas

Elle s'en est allée, la si précieuse sève,
Hanter dans les sous-sols nos sinistres racines,
Nous laissant dans le froid qui frappe et assassine,
Du flocon qui enfouit au vent qui nous achève.

Et le gel s'insinue depuis nos moindres ombres,
S'en allant terrasser les foyers les plus forts,
Et, tandis que nos rêves s'enfuient face au nombre,
Fait de nous, encor vifs, des coeurs déjà bien morts.

Alors on brûle tout : le sapin et le houx ;
On repousse la nuit du réconfort des siens ;
On repousse le glas d'un vacarme de riens.

Dans les braises du feu de l'âtre familial
Les liens se resserrent et l'on se sent moins mal :
On se tourne plus doit vers des demains plus doux.

Défis et autres accidents heureuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant