1.Small circumstances produce great events

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J'avais toujours été le parfait cliché de celui qui avait une vie misérable. Et ce dès mon plus jeune âge. Vers mes deux ans, j'ai été placé dans un orphelinat. Mes parents n'étaient pas morts, mais c'était tout comme. Ma mère était accroc à la cocaïne et vendait son corps au plus offrant pour tenter de me tenir en vie. Mon père avait sans doute été un de ses clients de passage ... Mais il ne voulait pas de moi, ou alors il n'était pas au courant de mon existence. Parfois je me demandais à quoi il ressemblait et ce qu'il était devenu. J'avais peut-être des frères et soeurs, mais bon, si c'était le cas, ils avaient dû finir comme moi ...

Après, tout s'était enchaîné. J'avais commencé mes débauches assez tôt, par des petits vols ou de la vente de drogue dans les quartiers où je traînais car j'avais fui l'orphelinat. Ça me faisait de l'argent de poche que j'utilisais ensuite pour acheter de la marchandise, que je revendais ou que je consommais. Avant mon premier séjour en prison, j'étais un grand consommateur de cocaïne et de marijuana, un mélange exquis qui me faisait voir la vie autrement. J'avais été obligé de passer par un centre de désintoxication, et j'en gardais un très mauvais souvenir. La plupart des personnes qui y passent en sortent guéris ou détruits.

Personne ne m'avait adopté, non pas parce que j'étais laid, bien au contraire ... Mes yeux sombres et mes cheveux châtains faisaient un beau contraste. Plutôt car j'avais la mauvaise manie d'être une vraie pile électrique, tenir en place bien sagement n'était pas ma tasse de thé. Et puis, comme au supermarché, on voulait du frais pas du périmé. On le savait lorsqu'on allait passer notre jeunesse dans un orphelinat, ça se voyait.

Là-bas, j'avais rencontré Yann, mon meilleur ami avec qui j'avais fait les pires crasses. Mais lui s'était clairement assagi contrairement à moi, et il avait vite arrêté ses conneries. Même sans famille, sa vie était devenue un long fleuve tranquille. Il gagnait correctement sa vie grâce à son talent pour le dessin, qui lui avait permis de devenir tatoueur. C'était d'ailleurs lui qui avait réalisé tous les dessins qui ornaient mon corps, hormis ceux que j'avais fait faire en prison. Ceux-là avaient été vraiment douloureux mais j'en étais tout de même content.

Il m'avait proposé de bosser avec lui en tant que perceur, pour que j'ai une vie stable, mais encore une fois je n'avais écouté que moi. J'avais continué à vendre de la drogue et voler des gens, et puis un soir, tout avait basculé. Je n'avais pas passé une simple nuit en garde à vue comme d'habitude, mais 365. Pendant une année entière, j'étais resté derrière les barreaux, et la descente avait été tragique. Je m'étais promis d'arrêter, mais peu de temps après, on m'avait fait une offre vraiment alléchante, trop alléchante en réalité. La somme importante d'argent qu'on me promettait en récompense avait fini par me convaincre.

J'avais continué les cambriolages pendant quatre ans, disant que je m'étais trouvé un travail de nuit qui rapportait bien. Yann avait sûrement compris que c'étaient des mensonges, mais ce n'était pas le cas de tout le monde. Un jour il m'en avait parlé avec un ton menaçant, mais cette sensation de puissance m'exaltait. C'était comme si mon âme avait été créée dans ce seul objectif : être un hors-la-loi. J'avais dû faire des concessions pour cacher tout ça et je m'en voulais encore. Avoir caché ma vraie nature avait été une très mauvaise idée. Cependant on ne peut plus retourner dans le passé.

— Eh, Jay.

Mon regard se releva vers Winston qui me faisait les gros yeux, et je lui répondis par un sourire provocateur comme à mon habitude. J'étais de nouveau dans mon élément. L'homme qui me faisait face devait avoir la cinquantaine (Winston ne m'avait jamais donné son âge exact) et son physique ne rassurait personne. Il était assez imposant et son long chapelet or était constamment autour de son cou, avec au centre un diamant d'une valeur inestimable. C'était un professionnel pour capturer des gens ou même avoir des informations sur eux, et il savait aussi se procurer de faux papier. Je ne compte plus le nombre de séquestrés venus ici... En clair, c'était la personne qu'il me fallait, comme à chaque fois. On se connaissait depuis longtemps, et même si notre entente n'était pas la meilleure, il m'avait toujours aidé pour mes cambriolages. Il se chargeait de trouver mes nouvelles victimes.

Son histoire était assez tragique : sa femme avec qui il était marié depuis plus de 25 ans avait découvert son vrai métier. Pour éviter que celle-ci ne le dénonce, il l'avait assassinée. À chaque fois qu'il parlait de son "ange" il avait des paillettes dans les yeux. L'amour qu'il lui portait encore était vraiment fort, mais celui qu'il vouait à son métier de hors la loi l'était encore plus. C'était donc sans aucune difficulté qu'il avait réussi à supprimer quelqu'un de la surface de la Terre et à la faire oublier, prétendant qu'elle était morte suite à un accident. C'était un autre de ses talents, son don pour cacher les preuves et créer des situations était vraiment utile parfois.

— Tu es venu pour quoi ?

Ce hangar était dans un sale état. Il s'était clairement dégradé ces dernières années et il faisait maintenant froid dans le dos. L'humidité omniprésente et la faible luminosité n'arrangeaient rien, mais au moins, on était sûr d'être discrets. Il y avait un bruit de fond constant de je ne savais quoi, et le seul meuble présent était une veille table en bois placée au centre de la pièce, avec des tas de choses dessus. Winston ne devait plus venir très souvent depuis mon passage en prison.

— Je veux que tu me donnes des informations sur quelqu'un et il me faut aussi un rendez-vous avec. En gros, retrouve cette personne.

— Laisse-moi deviner, ça ne serait pas la petite prude que tu t'es tapée avant la taule ? Oublie-la. Et puis de toute façon, je ne suis plus dans le métier depuis que tu as été coffré, j'ai perdu mon meilleur client.

Je saisis l'arme posée sur la table avant de la braquer dans sa direction. Il m'agacait. Tout le monde me disait la même chose depuis ma sortie : que je ne la retrouverais jamais ou qu'elle m'avait oublié. Mais j'avais beau essayer de la faire sortir de ma tête depuis plus de cinq ans, elle y était gravée. Mon amour pour elle m'empêchait de l'oublier.

— Tu viens de sortir de prison pour tentative de meurtre et tu es capable d'y retourner. Quel courage ! Non sérieusement, pose ça gamin, c'est mieux pour toi.

Il se foutait de ma gueule, j'en revenais pas ! J'étais incapable de tirer et il le savait. J'étais tout juste sorti de prison, et douze ans de plus derrière les barreaux ne me faisaient pas vraiment envie. Je reposai donc à contre-coeur l'arme sur la table avant d'expirer bruyamment. Il fallait à tout prix éviter les erreurs.

— C'est bon Jay, je m'en charge. Mais ne viens pas pleurer si jamais elle t'a complètement oublié. Donne-moi juste son nom, et le lieu où tu l'as vue pour la dernière fois.

— Elle s'appelle Leïa Awtkins. La dernière fois que je l'ai vue, c'était... devant le juge.

Il me lança un regard noir pour me faire comprendre qu'un tribunal n'était pas un le meilleur endroit pour lui. Je lui donnai donc le nom du café où elle travaillait avant.

— Elle était serveuse dans un café ? Vraiment ?

— Aux dernieres nouvelles oui, elle faisait ça pour payer ses études de  médecine. Mais je doute qu'elle les ait achevées ...

— Tu m'étonnes, la faute à qui ! C'est dommage, elle aurait pu soigner tes petits bobos. Allez bouge, je t'appelle quand j'ai tout ça.

Je sortis du hangar, mon sac à dos en main, après l'avoir traité de crétin. Yann m'avait acheté un nouveau portable. Ce mec était vraiment une perle ! C'était fou à quel point la technologie avait changé en cinq ans, les téléphones étaient devenus de vrais bijoux ! Il s'était même occupé de ma moto. Elle était désormais en parfait état, la carrosserie noire brillant de mille feux.

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JAYLOù les histoires vivent. Découvrez maintenant