Le braquage de ton cœur

Ma plus grosse erreur

Je m'installai dans mon lit, les jambes étendues sous mon ordinateur portable et me dirigeai vers une plateforme d'hébergement de vidéo. J'inscrivis avec crainte dans la barre de recherche les mots "saut à l'élastique". Les miniatures furent paniquantes, apparaissant sur la plupart d'entre-elles, les visages crispés de téméraires prêt à faire le grand saut. Je cliquai sur la première me paraissant plus soft que les autres mais me fit surprendre par un hurlement angoissant. Mes doigts s'empressèrent de presser la touche de volume afin de diminuer celui-ci.

Soudain, j'aperçus mon téléphone s'allumer me laissant entrevoir la réception d'un message. Je le saisis pensant à une idiotie d'Arthur.

Anna : Coucou toi ! Comment s'est passé ta dernière journée en entreprise ? Tu es prêt à me supporter pendant ce nouveau mois de cours ? :)

C'était Anna, la fille pour laquelle mon cœur s'était emballé, contrairement au sien me considérant comme son confident et meilleur ami. Elle était dans ma classe depuis trois ans, brune avec les cheveux raide coupés au carrée, Anna était rigolote, timide et touchante. Ce n'était une coïncidence d'avoir pu effectuer mon alternance dans la plus grande usine de gâteau de la région, Anna était la fille du patron et avait naturellement appuyé ma demande auprès de son père.

Une risette apparut sur mon visage et fut encrée sur celui-ci le temps de ma réponse. Je rédigeai et effaçai mon message de nombreuses fois, le répétai sans cesse dans ma tête et à haute voix pour ne pas décevoir Anna. C'était bête mais l'envie de séduire celle-ci me dépassai tandis qu'elle n'attendait qu'un simple retour amical. Les secondes s'écoulaient et je n'avais toujours rien répondu, de plus, la petite pastille figurant en bas de la conversation attestait de lecture du message.

Moi : Hey ! Je dirais épuisante et émouvante, j'ai dû courir aux quatre coins de l'usine pour remercier mes collègues ! Et toi ? La suisse ne va pas trop te manquer ? Tu n'imagines pas à quel point je suis heureux de pouvoir te taquiner de nouveau ;).

Ça y est, le message fut envoyé, je respira. Aussitôt, l'écran de mon portable s'illumina, une sensation indescriptible s'empara de moi. C'était elle, Anna avait répondu rapidement me laissant croire à une absence de sentiment. Je fis défiler sournoisement le message sur l'écran de verrouillage pour qu'elle ne puisse voir ma confirmation de lecture. Je ne pouvais le lire entièrement et fut dans l'obligation de l'ouvrir, pendant cette courte transition, une sensation de papillonnement s'empara de mon ventre.

Anna : Super ! Tu es disponible samedi dans l'après-midi ?

Bref mais efficace, elle ne s'était étalée dans de longue description préférant sûrement me raconter ses aventures ultérieurement. Un sourire réapparut sur mon visage en constatant qu'elle était impatiente de me revoir au point de me donner rendez-vous dans trois jours. J'allai accepter mais me souvins de l'activité programmée ce jour là avec mon frère, je ragea.

Moi : Je suis désolé mais j'ai déjà prévu une activité avec mon frère ...

Anna : Pas de problème ! Je pourrais me joindre à vous ?

Cette fois, je n'aurai pas dû envoyer le message de suite. Anna était ma meilleure amie et connaissait très bien Arthur, je ne pouvais pas refuser sa demande mais j'allai perdre toute ma crédibilité lors de ce saut. J'appuyai mon coude par inadvertance sur le clavier de l'ordinateur qui mis en marche la vidéo, un cri angoissant me surpris de nouveau, je paniqua.

Anna : Ne t'inquiètes pas ! Profitez de cette journée ensemble, tu me raconteras lundi ! Bisous ;)

Moi : Rendez-vous samedi vers 14h30 au Pont de Tarine ! Bisous ;)

Quel idiot ! Le coup de pression d'Anna venait de me faire accepter sa demande et anéantir mes chances de conquérir son cœur. Je sauta précipitamment de mon lit et accourut vers la chambre d'Arthur. J'ouvris et le surpris de nouveau morfond dans ses dessins.

- J'ai déconné ! M'écriai-je essoufflé.

- J'en étais sûr, rigola-il, tu regrettes de m'avoir offert ces places ?

- Anna s'est invitée, je n'ai pas refusé !

J'avais la frousse mais Arthur se mis à éclater de rire jusqu'à tomber de sa chaise en suffoquant, il me regarda avec ses yeux bleus noyés sous un étang de larme. Debout, je resta penaud et me mis à rigoler nerveusement.

- Game over ! Me dit-il en gloussant.

Sans réfléchir, je l'insulta et quitta de nouveau sa chambre pour me réfugier dans mon lit. Je pensais qu'avouer mes sentiments à Anna allait être compliqué mais ce que je m'apprêtai à faire l'était d'autant plus. Aucun moyen ne me permettait de m'entrainer ni même de côtoyer cette drôle de sensation que mon frère adulait tant, samedi, je me mettrai à nu devant Anna. Perdu, je ressentis des vibrations sous mes fesses, j'écrasai mon portable.

Arthur : Tiens, j'ai trouvé ce lien sur internet !

J'autorisai le navigateur de mon téléphone à accéder à l'hyperlien et me retrouva sur une page web. Je n'eus le temps de lire correctement le titre qu'un assaut de publicité m'assaillis pour la plupart me proposant des rencontres coquines. Ce n'était pas Lisa, vingt-deux ans avec de jolies formes résidant à deux kilomètres de chez moi qui m'intéressait, mais plutôt Anna. Je vaincu cet envahissement et tomba sur la page d'Arthur : "La séduction pour les blaireaux". Désespéré de constater que mon frère n'allait pas mieux, je désertai la page puis lui envoya un joli juron par message suivi d'un émoticône diabolique.

Victime de ces petit aléas, je décidai d'éteindre mon téléphone pour me couper du monde. En attendant mon père et retrouver le moral, je me posa tranquillement sur mon lit et débuta une nouvelle série conseillée par Anna, une fiction post-apocalyptique résumant parfaitement la situation de samedi soir après ce grand saut.