La clé

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J'entrai avec crainte mais envie dans la chambre de réanimation dans laquelle reposait mon frère. Peu à peu, je découvris l'entièreté de son corps sous les draps blancs cassées du lit, seulement sa tête et ses bras étaient exposés à la lumière artificielle. Mes yeux se posèrent directement sur son visage juvénile que je ne reconnu immédiatement. Il était violemment accidenté par la chute de ce matin, de couleur rougeâtre et bleuâtre, son aspect me perturba au plus profond de moi. Ses paupières gonflées de la taille d'une balle de ping-pong, sa cloison nasale déviée et ses lèvres éclatées me traumatisèrent instantanément. Je saisi une fois de plus, la gravité de cet accident et la chance qui lui fut donné de pouvoir continuer à vivre, à condition de trouver un donneur.

- Je suis tellement désolé de t'avoir embarqué là-dedans.

Bien-sûr, Arthur ne pouvait pas me répondre mais j'espérai profondément qu'il puisse m'entendre. Je lui saisi délicatement la main dont je senti la peau abîmée afin d'établir un contact supplémentaire. Seul à son chevet, l'émotion me submergea, alors, je ne retins mes larmes qui s'échappèrent naturellement en observant avec chagrin son visage.

- Le médecin dit que tu as besoin d'un nouveau cœur, le tien est en train de lâcher. On fera tout notre possible pour t'en offrir un autre. Maman arrive demain, papa viendra te voir aujourd'hui.

Personne ne me voyait, ma pudeur était préservée, je n'avais pas honte de parler en sanglotant, d'avoir les yeux rouges et d'exprimer mes sentiments. Je lui répétai sans cesse mon amour à son égard, lui demandant de ne pas abandonner.

- Je n'ai que dix minutes, plus que quelques-unes maintenant.

J'espérai avoir un signe de mon frère comme dans les films mais rien ne se déroula ainsi. J'étais assis sur son lit à lui tenir la main sans aucune réaction de sa part, une évidence pour une personne plongée dans un coma artificiel. J'observai les machines médicales reliées à mon frère par des tuyaux et sondes en ignorant leur utilité, analysai les graphiques qui apparaissaient sur les ordinateurs et comptai les gouttes de liquide tombantes dans les poches surélevées. Je ne semblai pas profiter de ces précieuses minutes avec Arthur et pourtant, j'avais l'impression qu'un simple contact physique en disait plus que des mots.

- Excuse-moi de te déranger, déclara Stéphanie qui me surprit, je vais te demander de quitter la chambre et dire au revoir à ton frère.

Je compris que mes dix minutes accordés furent écoulées. J'essuyai rapidement mes yeux humides et me retourna vers l'infirmière en lui faisant signe de la tête. Elle quitta la pièce aussi discrètement qu'elle ne fut entrée. Elles étaient passées tellement vite que je compris à tel point que le temps fut précieux, car évidemment, j'envisageai dans un coin de ma tête de ne plus revoir mon frère.

- J'y vais, lui déclarai-je, je t'aime.

Je m'allongeai légèrement sur lui pour l'embrasser, mes lèvres se posèrent délicatement sur son front et y restèrent de longues secondes. Je tentai de mémoriser la sensation de ma bouche contre sa peau, son odeur et sa chaleur puis je lâchai sa main. Debout, je marchai en direction de la sortie sans le quitter des yeux avant de fermer la porte derrière moi.

- Nous sommes désolés pour le peu de temps accordé mais il sera possible de prendre un autre rendez-vous pour lui rendre visite. Je te laisse souffler quelques minutes dans la salle avant de rejoindre ton père dans le bureau du Docteur Haroche.

- Merci, rétorquai-je.

- J'ai une question à te poser si cela ne te dérange pas ?

Stéphanie  me demanda de m'assoir à ses côtés, je ne lâchai le sol du regard pour ne pas dévoiler mes yeux humides. Elle posa sa main dans mon dos en guise de soutien.

- Les infirmiers ont remarqués la présence de cicatrices sur les poignées de ton frère, m'annonça-elle, elles datent de quelques jours selon le premier bilan. Tu étais au courant que ton frère se scarifiait ?

En effet, je me rappelai parfaitement de ce soir où Arthur voulait soulager sa haine en se faisant du mal. Une colère due à la mort de sa petite amie Gaëlle. Je repensai à ce moment qui m'avait paru inexistant depuis le drame de ce matin. C'est alors que mon sentiment de culpabilité s'intensifia car en plus d'être dans le coma, mon frère ne pourra assister à la cérémonie d'adieu de Gaëlle prévue lundi matin.

- Tu étais au courant ? Répéta Stéphanie qui me sortit de mes pensées.

- Absolument pas, menti-je sans aucune raison, mon père sera tenu au courant de ça ?

- Oui, tout doit être inscrit dans le dossier médicale d'Arthur.

J'approuvai en hochant simplement la tête.

- Tiens-voilà, la boîte qui contient les quelques affaires de ton frère. Je te laisse et te souhaite énormément de courage pour affronter cette épreuve. N'hésite pas à contacter un psychologue si tu ressens le besoin de parler.

J'attrapai la caisse que Stéphanie me tendit et attendit son départ. Au moment où mes yeux se posèrent sur les vêtements et gadgets de mon frère, je ne pu m'empêcher de lâcher la pression en pleurant. Je reniflai plusieurs fois ignorant le bruit disgracieux provoqué par mon nez.

Le manteau noir de mon frère prenait toute la place dans la boîte bleue, il était sale et légèrement humide à cause de sa chute depuis le pont. Je le sorti et posa délicatement mon nez dessus pour me souvenir de son odeur. Le vêtement était lourd, notamment à cause de la mauvaise habitude de mon frère à remplir ses poches de choses inutiles, il glissait sur mes genoux.  De façon très indiscrète, je fouillai ses poches et ressorti un tas de petites bricoles que je déposèrent dans la boite : une batterie externe, une enceinte portable, un chargeur téléphone, des pièces de monnaie, deux stylos mâchouillés et un ticket de cinéma. Je terminai de faire ses poches en sortant de celles-ci de vieux mouchoirs que j'amenai directement à la poubelle.

Tandis que je me débarrassai de ces bouts de papiers, la vitesse de chute et le bruit lors du contact des mouchoirs avec le fond de la poubelle me parurent discordant avec leur légèreté. De plus, un morceau métallique scintillait en reflétant la lumière des néons. Je me penchai et ressorti du dépotoir, une clé USB, dont le corps fut étrangement enveloppé dans du papier. Seul la tête de connexion était à découvert.








Le braquage de ton cœurOù les histoires vivent. Découvrez maintenant