Thomas,
Si je t'avais croisé quelque part sans te connaître, je serais tombée amoureuse de toi comme un linceul qui découvre la mort.
Ç'aurait été doux... plein d'étoiles. De malice, d'ébullition, de muscles en suspension.
Mais tu es à la même table que moi à Noël, et le monde entier m'interdit de me laisser ponctuer par tes rires et de vouloir embrasser tes lèvres rondes.
Rassure-toi, je ne suis pas tombée.
Un jour... au coin chaud d'une discussion. Thomas, j'ai pressenti que tu étais celui qui voulût bien me découvrir. Tu as doucement fendillé ma coquille, et c'était le début, maintenant je grandis. Ton rire a fait écho, tu paraissais une vague distendue prête à s'arrêter un temps pour moi avant de faire remuer ses eaux ailleurs. Parmi ces humains riants et trempés de vin, tu m'as semblé le seul qui eût voulu m'écouter un peu plus.
Depuis ce jour, dont ce petit morceau fut comme un drapeau planté sur la Lune, je t'aime avec plus de ferveur et d'intimité. Le fleuve entre toi et moi, tu as décidé de le narguer avec un pont ; fragile, naissant, délicat et presque imperceptible, mais bien existant. Ton être malicieux m'a semblé plus humain, plus brillant, plus tangible...
Thomas, emporté par ta vie ambulante et effervescente, entre la brûlure tendre de l'amour et le cristal liquide des nouvelles connaissances, l'amitié de ta cousine doit te sembler lointaine, et ténue, et diaphane. Mais elle est pour toi sincère, élancée, pleine d'une vélocité naïve et affable. Ne l'essuie pas dans quelques mois avec un regard trop court ou des mots trop communs. Je t'écoute, te ressens. Pour toi, je m'ouvre. Pour toi, je porte ma voix au-dessus de la nappe jaune avec une appréhension camouflée sous le voile hypocrite de l'humour. Pour toi, je m'enquis, je décolle légèrement, fais souffler une brise nouvelle.
Bien sûr, c'est grâce à moi aussi. Mais tu as été l'un des premiers corps à l'âme du mot "famille". Alors Thomas, si tu continues à l'avenir de bâtir ce pont, je pourrai retrouver un petit bout de foyer ; un petit bout inestimable de foyer...(Je ne t'ai pas parlé de Gabriele, de tes yeux bleus et ton costume, tes boucles brunes, ta beauté Thomas, ta beauté beauté beauté, tes mains qui touchent la nappe et qui se portent à tes lèvres comme celles de ta soeur, de ton petit rire en soubresauts à chaque chose que tu dis avec humour, l'éclat de ton visage, même si ton sourire n'est pas très grand — mais toujours visible —. Je veux le rencontrer Thomas, je veux le renconter et depuis lui c'est comme ton existence qui se raccroche à la mienne. Je ne parlerai de rien parce que j'ai honte, de rien du tout. I'm glad, je pense, I'm glad, I'm glad, comme un pantin qui se soulève de vie, la lumière et ton corps costumé pas tout à fait face à moi. J'ai honte, et je ne comprends pas tout, but I'm glad, et je vais extraire cette pensée comme un élixir pour le verser sur toi.)