07 | AU REPÈRE DES ÂMES PERDUES

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EN SUPPOSANT que la fonction N, dépendant du temps t, est dérivable, établir la formule suivante : N′(t) = −λ·N(t)

Maxine poussa un profond soupir et saisit son crâne à deux mains, le crayon entre les dents. Elle resta prostrée quelques minutes, les yeux dans le vague, les sourcils froncés, le cerveau surchauffé. Mais la question lui paraissait toujours aussi obscure. La jeune fille attrapa sa gomme et effaça les quelques formules qu'elle avait gribouillées dans un coin de la feuille et tambourina des ongles sur le bureau surchargé, petit bruit sec qu'elle appréciait particulièrement.

Sa réflexion fut interrompue par un claquement de porte, immédiatement suivi par l'irruption d'une horde d'adolescents surexcités dans sa chambre.

Lou dirigeait la meute, drapée dans une étrange robe aussi écarlate que ses joues. Derrière elle, Aloïs, Swann et Ismaël débattaient avec tant de fougue que personne, pas même eux, ne saisissait la moindre parole. David, un garçon aux longues boucles et au magnifique blouson en cuir, les suivait, hilare mais moins bruyant. Nolwenn fermait la marche, ses lèvres étirées en un de ces habituels demi-sourires.

-Vous faites quoi? s'écria Maxine en repoussant problèmes de maths et chaise d'un même mouvement.

Elle ne posait la question que pour la forme: que pouvez bien faire une bande de lycéens un mercredi, en fin d'après-midi?

La réponse s'imposait d'elle même, et Ismaël la lui donna en repoussant d'une pichenette une boucle de Swann qui glissait sur son blouson:

-On sort. Tu viens avec nous?

-J'ai des devoirs, déclina-t-elle.

Ismaël lui sourit, glissa son bras autour de ses épaules en sussurant un "allez" insistant.  Maxine se dégagea en lui envoyant une bourrade dans l'épaule, que le garçon esquiva avec un petit rire.

Il aurait été absurde de décrire Ismaël comme "beau." Il n'était pas non plus mignon ou séduisant. Ses cheveux hirsutes dressés sur son crâne, ses quelques boutons bourgeonnant sur son front, son nez en flèche et ses cils trop longs ne lui conféraient pas le charme d'un héros romantique. Si Ismaël plaisait autant, c'était par son aisance, son rire un peu rauque, ses drôles de manières et sa façon d'être pleinement ce qu'il était.

-Tu viens avec nous? répéta-t-il en tripotant le col de la chemise de Maxine.

Cette dernière souffla bruyamment, sentant sa résistance tressaillir sur ses gonds. Son refus vola en morceau quand Ismaël planta un baiser sur sa joue.

Et c'est ainsi que les sept adolescents quittèrent prestement la chambre "3", Swann chantonnant la musique du Lac des Cygnes.

Ils longèrent des couloirs silencieux au rythme de Tchaïkovski et franchirent rapidement le portail, sous l'oeil vitreux et menaçant du concierge.

-Si vous êtes en retard, je ne vous ouvre pas! menaça-t-il en les regardant quitter le vieux lycée sans un regard en arrière.

La petite bande n'y prêta pas attention et s'éloigna d'Arthur Rimbaud avec des petits cris de joie. L'air vif du mois de novembre mordit violemment les joues de Maxine, lui arrachant des frissons glacés. Lou avait cédé la tête du groupe à Swann et Aloïs qui gambadaient comme des gosses, dérapant sur les graviers, sautant dans les fourrés, courant en agitant les bras en des mouvements hachés et désordonnés. David et Ismaël les regardaient en se tenant les côtes, éclatant de rire à chacune de leur pitrerie.

-Où est-ce qu'on va? demanda Maxine en resserrant autour d'elle les pans de sa chemise, se maudissant de ne pas avoir pensé à prendre un blouson.

les jolies jeunes fillesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant