les jolies jeunes filles

16 | T'ES VRAIMENT COUILLON DANS TON GENRE

ENROULÉE DANS SA COUETTE comme un papillon dans sa chrysalide, Swann dormait. Ses boucles rousses dissimulaient presque entièrement son visage, se soulevant légèrement au rythme de sa respiration. Sa joue droite reposait au creux de la paume de sa main repliée, la manche de son pyjama Monstre et Compagnie lui chatouillant le nez. Le cliquetis de la serrure lui fit froncer les sourcils, le bruit sec de la poignée lui arracha un marmonnement indistinct et le claquement de la porte la réveilla en sursaut.

Groggy, les yeux embués de sommeil, Swann se redressa vaguement sur les coudes, essayant de deviner la présence d'un intrus à travers ses cils à peine entrouverts. Sur la couchette supérieure, Aloïs préféra lâcher un hurlement, roula jusqu'à la petite échelle et atterrit bruyamment sur le sol dans une position qu'on pouvait, avec un effort d'imagination, qualifiée "d'attaque." La panique d'Aloïs eurent au moins l'effet de réveiller totalement Swann qui, en plissant les paupières, put apercevoir une silhouette longiline, ombre se découpant sur le bois blanc de la porte, à peine éclairée par le rayon de lune qui s'engouffrait à travers les rideaux.

-Chut! souffla l'ombre, en agitant vaguement les mains dans un mouvement de chef d'orchestre.

-Quoi "chut"? Il y a pas de "chut" ! C'est ma chambre! répliqua Swann.

Aloïs approuva d'un grognement digne d'un chat sauvage, ses yeux clairs roulant dans leurs orbites à la recherche d'une arme potentielle.

-Mais c'est moi, sales crétines! siffla la voix.

La rousse se frotta les paupières, en décrochant les derniers lambeaux de sommeil, et se redressa sur les fesses. Dans la lumière de la nuit, on devinait à peine la couronne de boucles blondes et les yeux brillants de David.

-Mais qu'est ce que tu fous là, psychopathe? s'exclama Aloïs, toujours accroupie sur le parquet, à demi-recouverte par sa couverture.

David ne répondit pas, cherchant à tâton l'interrupteur. L'ampoule grésilla, clignota et se décida enfin à déverser sur eux sa lumière orangée. Le garçon dut faire un sacré effort pour ne pas exploser de rire. Aloïs et sa posture digne d'une comédie musicale des années 70 et Swann avec ses cheveux ébouriffés et son t-shirt Monstre et Compagnie menaçaient de leur fait basculer dans le plus gros fou rire de sa vie.

-Tu fais quoi ici? insista la rousse, en remontant sa couverture jusqu'à son menton, dissimulant son pyjama, rougissant jusqu'à la racine des cheveux.

David ne se souvenait pas avoir été aussi idiot de toute sa vie. Même à son oral du bac de français, il avait été incroyablement à l'aise en comparaison. Il se mordit la lèvre, s'ébouriffa les cheveux, lâcha un ridicule "bah... euh..." et jeta un regard effaré à Aloïs.

-Apparement, je dérange, commenta la jeune fille en retenant un baillement. Mais ne comptez pas sur moi pour quitter cette pièce. C'est ma chambre GPS.

-Al, parfois, tu m'épuises, soupira David.

-Dis le garçon qui me réveille à minuit et quart un dimanche soir...

Swann se pinça l'arrête du nez et lâcha une exclamation exaspérée. Elle savait d'expérience que, si on ne les arrêtait pas, les deux pouvaient continuer jusqu'au lundi matin.

-Aloïs, ferme-la. David: tu veux quoi?

-Mon dieu, mais qu'elle est bête, soupira la blonde, les yeux rivés vers le plafond, un sourire attendri sur les lèvres. Il veut te dire qu'il t'aime, débile!

Le silence tomba sur la chambre aussi vite qu'un boulet de canon dans un mur. Swann ferma les yeux en pinçant les lèvres, David pâlit, puis rougit jusqu'à atteindre une jolie teinte grenat. Rien se passait comme prévu. Dans sa tête, le scénario était bien construit. Il entrait dans la chambre avec la clef qu'Aloïs avait oublié sur son bureau. Il s'arrangeait pour que cet énergumène quitte la pièce et le laisse avec Swann. Il lui disait qu'il l'aimait. Coup de bol, elle l'aimait aussi. Ils s'embrassaient. Générique de fin.