Chapitre Vingt-Quatre

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Le groupe d'amis se retrouva chez les Edel le mardi. Ysalis avait enfin accepté d'avouer habiter sur L'Île et depuis, les autres tentaient de s'habituer au fait qu'ils seraient menés à se rendre plus souvent là-bas. De ce fait, même si ils ignoraient tout du lien de parenté liant les Edel aux De Villiers, ils durent rencontrer Agar. Fidèles à eux-mêmes, ils ne posèrent pas de questions sur son absence et ses béquilles — Agar pouvant désormais plus facilement se mouvoir —, bien qu'ils ne purent contrôler un hoquet de surprise en entendant Owen parler.

Le garçon continuait à être aussi silencieux qu'auparavant. Seulement, il réagissait désormais plus facilement aux paroles des autres, et se motivait à parler en présence de sa sœur. Il ne voulait pas qu'elle sache que pendant plus d'un an, pas un son n'était sorti de sa bouche. Ils étaient tous dans le salon. Aglaé avait presque l'impression que tout était rentré dans l'ordre ; elle restait dans les bras de Tobias, Ethel s'endormait la tête posée sur l'épaule d'Elijah. Mais évidemment, les ailes tatouées sur son poignet lui rappelait sans cesse que tout était différent, désormais.

Son meilleur ami traçait distraitement des cercles sur sa cuisse et Aglaé ne remarquait pas les regards pensifs que leur lançait Owen. En face d'eux, Ismaël et Agar rigolaient. Elijah souriait en les regardant. En seulement quelques jours, les deux cadets du groupe étaient devenus très proches, et l'aîné des Karas avait l'impression de revoir la relation qu'entretenait Ethel et lui, au tout début. Les adolescents avaient commandé des pizzas, et mangeaient tous entre d'éparses crises de rires. Subtilement, Owen se rapprochait d'Aglaé pour finalement lui murmurer il faut qu'on parle. C'est ainsi le coeur battant qu'elle s'éclipsa dans la cuisine, à ses côtés. Il jeta un coup d'œil inquiet à leurs amis, toujours sur le canapé.

— J'ai remarqué ton regard, lorsque je t'ai parlé de mon père la dernière fois... Tu sais, au sujet d'Agar.

Aglaé redoutait ce moment. Celui où elle devrait lui raconter, lui expliquer. Elle savait que cela devait arriver, car cette affaire la hantait et risquait de prendre de vastes proportions. Et puis elle n'avait plus l'envie de cacher des choses au garçon. Mais c'était terriblement dur, de devoir le regarder dans les yeux pour lui annoncer que son père était une encore bien pire personne qu'il ne le pensait. Owen avait posé sa question silencieuse et en attendait désormais la réponse, le regard implorant. Alors qu'Aglaé allait parler, Ysalis entra dans la cuisine avant d'aller agripper le bras de son demi-frère.

— Bah alors, qu'est-ce qu'il se passe ici ?

Et la jeune Mohaara souffla, en regardant à tour de rôle le garçon qui lui plaisait, et sa meilleure amie.

— Bon... J'ai des choses à vous confier.

Et alors que les autres continuaient à discuter et à rire dans le salon, ils se posèrent à la table de la cuisine. Aglaé leur raconta tout, en commençant par ses visions qui lui montraient sa mère traverser le pont. Elle parla de la nuit où elle l'avait suivie, puis qu'elle avait aperçu l'hôpital psychiatrique. Un regard à Owen permit au garçon de comprendre qu'il s'agissait de la première nuit où la jeune fille avait dormi chez lui. Enfin, elle parla de ses recherches sur cet établissement et ainsi sur l'entreprise, et le coeur du jeune Edel se serrait au fur et à mesure qu'il comprenait que son père était probablement de nouveau coupable.  Elle acheva son récit en contant sa visite de l'hôpital, dont les scènes angoissantes la hantaient encore à chaque seconde.

— Et puis, j'ai finalement découvert que cet homme m'ayant intimé de fuir, celui qui ne semblait pas fou du tout, est l'un des plus grands résistants face à la Die Adligen Company. Il faut agir... quelque chose se trame, là-bas. Et puis, ils usent de la violence sur leurs patients... Des choses illégales s'y produisent.

Elle frémit en se rappelant ce trou suintant de sang. Face à elle, Owen était bouche-bée, muet d'admiration face à cette fille qui avait risquer sa vie. Ysalis, quant à elle, laissait les larmes couler de ses joues silencieusement. Mais alors qu'Aglaé allait attraper sa main, la jeune De Villiers se leva bruyamment.

L'Île au BrouillardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant