Je marche sur le bitume des ruessombres et silencieuse de ce Paris qu'on voudrait nous vendre commeeffrayant. Celui où les murs sont tagués, les trottoirs abîmés,où flotte cette odeur si particulière des grandes villes, cemélange d'effluves nauséabondes que le temps finit par faireoublier.
Il fait chaud, l'asphalte recracheencore de cette chaleur qu'elle a absorbé au cours de la journée,la lançant contre mes pieds nus qui évitent maladroitement lesbouts de verres qui maculent le sol..J'ai les écouteurs quicaressent doucement les tympans aux notes de pseudo rap appréciédes années auparavant, lorsque j'avais encore la naîveté de penserque prétendre faire quelque chose ferait de moi quelqu'un.
Il n'y a que quelques voitures qui mefrolent à tout allure, les ponts métalisés du métro aérien ontfini par cesser de faire vibrer l'air ambiant. C'est une pause, unebulle qui se forme et qui remonte à la surface pour quelques heures,les crises viendront plus tard, l'absence d'habitant dans ce corpsconsummable également, mais ce soir, l'air caresse l'épiderme, etça fait comme une boule de chaleur douce sous le sternum, quelquechose qui rappelle que tout encore là, que je suis encore là. Jesuis épatée par ma patience, cette façon que j'ai de me laisser detemps, cela fait des années que je m'attends, une goutted'indulgence à mon égard qui ressort de temps à autre.
Les seuls instants où je pense à moicomme je le ferai pour quelqu'un d'autre.
Alors ce soir, je ne vis pas au créditdes petites cuillères qui n'ont jamais su s'entasser. Il n'y a quela douceur, le silence, et cette absence de peur des mauvasiesrencontres.
L'exaltation vient avec l'abandon desoi, et j'ai l'impression d'avoir trop vécu. Que je pourraiencaisser, déplacer des montagnes si seulement j'arrivai à croireen moi tous les jours comme je le fais ce soir.
Dans quelques heures il faudra rentrer,se faufiler entre les premiers rayons du soleil, pour ne rientroubler à cet instant précieux, retrouver les monstres quim'attendent déjà sous mes draps, mais qui m'auront laissétranquille pour un soir, pour une poignée d'heure.
De plus en plus longues à mesure dessemaines.
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Errances Nocturnes
NonfiksiTribulations, errances et perte du réel dans les creux de la nuit. Recherche involontaire de soi même au fond des caniveaux parisiens. des mots qui ne se suivent pas mais qui ont besoin d'être posés, entre trois et quatre heures du matin