L'Autre monde

Chapitre 18

Lia fit signe à Ikan qu'elle allait le rejoindre plus tard. Lorsqu'elle suivit Jun vers le terrain extérieur réservé aux panneaux solaires ou autre forme d'énergie renouvelable, la Turque comprit qu'il lui réservait une longue discussion.

Jun s'assit sur un banc, et Lia l'imita. Elle fit attention de garder une bonne distance avec lui  puisqu'il l'intimidait réellement. Le dos droit, les mains sur les cuisses et la jambe tremblante, Lia contrastait tellement avec la position confortable et désinvolte de Jun.

Elle resta silencieuse. Le plus âgé soupira et se massa le front. Il n'avait pas l'air d'être ravi de l'amener ici.

—Je ne sais pas par où commencer, lui avoua-t-il, agacé par la situation. Alors, je ne vais pas tourner autour du pot.

Lia tourna sa tête pour lui faire face. Elle préféra garder une expression neutre. Jun pouvait réellement être imprévisible.

—Tu as été vu avec Tarik la nuit dernière.

En se rappelant de son baiser, Lia rougit. Parlait-il de cela?

—Youssef le sait. T'as de la chance de ne pas avoir le type de cousin coincé du cul pour te réprimander à propos de ce genre de choses. Mais ce n'est pas toi le problème. Tu peux baiser qui tu veux.

—Je n'ai pas baisé avec Tarik, lui fit savoir Lia avec un ton sec caché par une politesse. Pourquoi tout le monde doit tout prendre sexuellement lorsqu'une fille et un garçon passent du temps ensemble?

Jun haussa le sourcil, doutant du déni de la jeune fille.

—Ce qui est fait est fait, lui dit-il. Mais je voudrais que tu t'éloignes de Tarik. C'est moi qui l'a amené dans l'Institut, et je connais mieux que personne ce gamin. Il n'est pas prêt pour ce genre de choses, crois-moi. Ça va seulement trop le déstabiliser.

—Je pense que Tarik est capable de juger ses choix par lui-même, lui rétorqua Lia. Même s'ils sont mauvais, personne n'a le droit de lui retirer son libre-arbitre.

—C'est du Youssef, ce genre de discours, avoua l'Asiatique. Il n'a pas fait les choses à moitié en t'éduquant à sa façon.

—Est-ce une mauvaise chose?

—Non. Youssef est sage. Il t'a appris à vivre.

Lia pensa à son cousin. Grâce à lui, elle avait arrêté de se laisser submerger par la honte et le dénigrement. Il lui avait montré les merveilles de la liberté et du respect.

À la place de se sentir déshonorante avec sa curiosité tordue pour les sujets tabous, Youssef l'encourageait à se renseigner. Le savoir n'est pas une mauvaise chose si tu sais l'utiliser comme il faut, lui répétait-il souvent.

Selon les autres jeunes hommes de l'âge de Youssef dans le village, ce dernier avait beaucoup trop d'idées libertines et dévergondées qui pourraient corrompre les générations futures. Pourtant, Lia avait toujours aimé l'esprit d'indépendance et d'audace de son cher cousin.

Youssef optait pour la liberté sexuelle, religieuse et intellectuelle. L'ouverture d'esprit devrait être une attitude que tout le monde devrait avoir afin de préserver la paix. Selon lui, les différences continueront d'exister. Ce n'est pas en opprimant les minorités que l'ordre serait rétablie.

Lia, aussi jeune était-elle, se laissait charmée par ces idées révolutionnaires et pacifiques. Chaque parole de Youssef importait plus qu'un discours du maire. Chaque leçon apprises écrasaient celles de son institutrice.

Lia n'arrivait même pas à trouver étrange son adoration presque sectaire envers Youssef. Il était son modèle, son tuteur, son ami, son cousin et son frère. Comment une personne pouvait-elle remplir tous ces rôles? Youssef réussissait à merveille.