Chapitre 21

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Sept ans plus tôt.

Hesam pensait dormir. Hesam pensait au néant.

L'heure était-elle arrivée? Allait-il enfin mourir?

Il semblait rêver. Était-ce la mort?

Un noir céleste remplissait sa conscience. À la place de contempler les étoiles, il fit face à ses souvenirs.

Il remémora de Leila, sa grande sœur. Elle avait toujours tout fait pour le protéger. Malgré leur salopard de père ivrogne.

Une scène particulière lui revint en tête. Sa mère, battue et absente de la réalité, avait par accident offensé son connard de père. Mehmet Kobril, homme pathétique et méprisable, attaqua donc sa vulnérable femme.

Un coup de trop là fit cogner au mur.

Hesam, qui n'avait que huit ans, ne comprenait pas entièrement. Mais le corps inerte de sa mère au sol avec le crâne saignant lui avait fait réaliser la gravité de la situation.

Son père venait de tuer sa mère.

C'était trop facile de mettre en faute l'alcool. Mais Mehmet Kobril avait bel et bien assassiné une personne, peu important l'intention.

Hesam entendit de nouveau le cri strident qu'avait lâché Leila, sous le choc de la scène. Dans leur maison à une pièce miteuse, le village entier pouvait les entendre.

Ce genre de drames se passait souvent, donc les voisins avaient décidé de faire comme s'ils n'avaient rien entendu.

Leila avait porté Hesam dans ses bras avant de se précipiter vers l'extérieur de la maison. Elle avait couru de toutes ses forces pour s'éloigner de ce macabre, malgré le poids de son petit frère.

Ainsi, Leila et lui s'étaient trouvés dans la rue.

Hesam gardait de souvenirs flous de son séjour à l'orphelinat. La nourriture n'arrivait pas à traverser son œsophage tellement elle était infecte. L'eau qu'ils buvaient avait une couleur brunâtre, et Leila n'arrêtait pas d'essayer de se défendre contre les orphelins qui mataient sa poitrine ou ses fesses.

Ce qui restait gravé dans son esprit fut une journée particulière.

Particulière? Hesam ne la désignerait pas ainsi.

Après tout, c'était cette journée qui l'avaient jeté en Enfer.

L'Orphelinat paraissait pour un jardin d'Eden en comparaison.

Les Barbus.

Les Barbus étaient surnommés ainsi en raison de leur extrémisme religieux. Après leur montée au pouvoir, la Turquie se trouvait sous une terreur islamiste et puritaine. Du jour au lendemain, les femmes ne pouvaient plus se promener dans certaines tenues sous peine de flagellation publique.

Selon les Barbus, Allah leur avait donné la mission de punir les infidèles. Après tout, les Barbus en savaient mieux que tout le monde sur l'Islam.

Se pensant descendants du Prophète, ils faisaient la loi. Ils avaient l'argent, la religion et la force.

Que pouvait faire un minable Turc de neuf ans contre eux?

Rien.

Hesam ne put rien faire.

Il ne put rien faire lorsqu'un des Barbus avaient demandé au propriétaire de l'orphelinat de lui prendre un enfant en échange d'une somme d'argent convoitée.

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