. Réveil

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Quand elle ouvrit les yeux, elle vit qu'elle se trouvait dans une chambre. Elle n'eut pas à tourner la tête pour apercevoir un homme assis dans un fauteuil. Sans bouger, elle coula de furtifs regards dans sa direction. Le profil de l'homme se découpait sur la croisée sans rideaux qui diffusait une lumière chaude. Elle le devina d'une grande beauté, avec ses cheveux noirs et brillants.

- Où est-ce que je suis ? demanda-t-elle d'une voix apeurée.

- À l'hôpital... Comment tu te sens ? finit-il par demander. Son œil se posa sur elle, un œil où se moiraient des teintes chaudes. À sa familiarité, sa tendresse, elle reconnut le mari de Lynn, Patrick Richmond.

À cet instant, elle sentit une secousse au plus profond d'elle même. Elle ne connaissait pas le nom de monsieur, son mari. Elle bredouilla quelques mots attendus, de quoi rassurer l'homme qui se trouvait en face d'elle et dont elle ne savait rien.

La porte s'ouvrit dans un sifflement. Un homme imposant s'approcha de Patrick, lui tendit la main qu'il serra avec force.

Le directeur du laboratoire entra dans la chambre. Il offrit à Mary une main moite et s'installa dans le fauteuil près du lit. Le regard de la femme passa de son mari à l'homme.

- Qui êtes-vous ? demanda-t-elle sans se rendre compte de l'étourderie qu'elle venait de commettre.

L'homme assis, se leva en étouffant un rire gêné.

- Enfin Lynn, tu dois bien te rappeler de M. St-John ?

- Laissez, Patrick ! Ce n'est rien ! Madame a dû être secouée par l'accident...

Mary tourna brusquement la tête. Cette situation la mettait mal à l'aise.

- Que s'est-il passé au juste ? Racontez-moi tout.

- Nous serions curieux de le savoir !

La porte venait de s'ouvrir à nouveau. Le directeur et Patrick reculèrent dans un coin de la pièce, laissant un homme, en jean et chemise à carreaux, s'avancer vers le lit, comme si personne ni rien n'existait que la femme dont il contemplait le tronc émergeant des couvertures du regard inquisiteur qui sied à sa fonction. Son élan trahissait une gêne malgré tout. Mary le sentait au fond d'elle ; elle mangeait de ces personnes.

On ne pouvait que contempler un tel visage. Tout le mystère se résumait en ses yeux. Une absence de cils inférieurs exhalaient une folie.

- Mme Richmond ? dit l'homme qui, à première vue, ressemblait à un de ces démarcheurs du week-end.
- C'est moi.
- Agent Adams, fit-il en tirant une plaque qu'il offrit au regard de Mary. J'enquête sur les événements qui ont mené à votre enlèvement.

Elle céda face au premier pas de l'homme qui n'était pas disposé à lui laisser le choix.

L'homme sortit un petit carnet auquel était accroché un stylo. Sa posture était celle de qui s'apprête à livrer combat. Il fixa d'abord Lynn, son regard allant bien au-delà de sa personne.

- Bien. Racontez moi ce dont vous vous souvenez.

Elle esquissa un léger rictus, qu'elle maquilla en signe de douleur. Sa voix s'empreignit de trémolos. Elle enfouit ses mains dans les replis du plaid étendu sur ses jambes.

- J'ai conscience de la difficulté de la chose, madame Richmond. Mais allez-y à votre rythme...

Alors, avec une célérité qui l'étonna elle même, elle rassembla les étapes du scénario longtemps mûri dans sa tête. Elle raconta comment elle avait cédé à l'invitation de Caleb, pour parler affaire ; avec émotion, elle narra comment l'homme avait détourné son attention et comment, en proie parfaite, une partie d'elle-même céda face à l'empire de son ravisseur.

Le Rêve de Mary (En Réécriture)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant