Hoyio se demanda ce qu'il faisait ici, mais bien vite ses souvenirs lui revinrent. Il se remémora la journée de la veille, de son départ du palais de Nafuku pour aller dans le village de Kotān, jusqu'à sa nuit passée dans la forêt, alors que tout ce qu'il aurait aimé de toute la journée était d'avoir du repos, un repas et du réconfort. Après leur discussion dans le sanctuaire, le vieil Osawashi l'avait enfin conduit chez lui, emportant avec lui du sanctuaire toutes les armes, dont celles qu'il avait offertes à Hoyio, et lui avait préparé un lit, dans lequel Hoyio s'était effondré et s'était instantanément endormi.
Hoyio vit que, pendant son sommeil, quelqu'un avait pris le soin de déposer son kimono, qui avait eu le temps de sécher durant la nuit. Hoyio sortit de son lit et s'en vêtit. Puis il ouvrit silencieusement la porte de la chambre, sans faire de bruit pour ne pas réveiller la maison au cas où ses habitants dormaient encore.
La maison ne dormait pas, car Hoyio entendait des voix d'hommes. Ils parlaient de la mort de Mutsu Hiroboshi. Et à la mention du nom de son ancien maître, Hoyio se rémunéra la gravité de sa situation actuelle. Il était désormais sans tuteur et un vieil homme qu'il avait suivi en pleine nuit dans la forêt avait voulu le convaincre de l'accompagner sur les routes hors de Nafuku. Hoyio aurait souhaité que la journée précédente n'ait été qu'un songe, et qu'il se soit réveillé une fois de plus dans l'atelier de son maître au cœur du palais du daimyō, en ville, dans le lit confortable qui avait été le sien depuis toujours.
Il cessa brusquement ses lamentations lorsqu'il entendit son nom :
« Et pour la mort de l'enfant, le petit Hoyio Shintekka ? »
Cette voix, suave et grave, était celle du vieil Osawashi qu'il avait rencontré la veille. Une autre voix, inconnue d'Hoyio, répondit à la première :
— Rien de plus facile. Vous avez trouvé le corps avec son tuteur Mutsu, et vous l'avez incinéré en même temps que le notaire.
— Ce n'était pas aussi simple que ce que nous avons fait pour le vieil Osawashi. Nous parlons aujourd'hui d'habitants de la ville, pas de l'un de nos paysans. Ils enverront un inspecteur, cette fois, il y aura une enquête. Ils trouveront bien le corps du notaire, la cause de sa mort sera facile à démontrer, mais pour le petit ?
— N'y a-t-il pas des moyens, dans le cadre de la fête de Peconchiko-kamui, de légaliser la mort d'un enfant, en déclarant un sacrifice rituel ?
— C'est une idée créative. Il y a plus simple, cependant. Il peut, lors de la crue, avoir été emporté par le courant. Dites que son corps est en pleine mer à l'heure qu'il est.
Entendant ce qui se complotait, Hoyio prit peur, et voulut regagner sa chambre. Il commença donc à remonter l'escalier, plus silencieusement encore qu'il venait de le descendre. Mais à mi-hauteur, il réalisa que s'il voulait s'échapper, il était plus intelligent de quitter la maison, plutôt que de s'y enfermer. Il redescendit donc les marches qu'il avait remontées. Arrivé au rez-de-chaussée de la maison, il s'appliqua à ouvrir le plus silencieusement possible le panneau coulissant qui le séparait du dehors.
Lorsque la porte fut grand ouverte et qu'Hoyio n'avait plus qu'à s'élancer pour courir jusqu'aux bois environnants, il se rappela qu'il n'avait plus qu'une seule chaussure. Personne n'avait songé à lui prêter une paire la veille pour le dépanner. Hoyio vit de nombreuses paires de geta sur le perron d'entrée, mais il n'était pas un voleur, donc se refusa d'en choisir une pour lui. Cherchant bien, il trouva la sienne, dépareillée, toute boueuse. Il l'enfila.
Sa geta gauche au pied, il ne lui restait plus qu'à disparaître, à condition qu'il trouve un manteau à enfiler par-dessus son kimono, car il avait froid et il devrait se maintenir au chaud s'il était amené à marcher seul des jours durant, sans savoir où. Alors il déchaussa sa geta, rentra dans la maison, referma le panneau coulissant, et silencieusement grimpa jusqu'à sa chambre. Il y retrouva la toge de la prêtresse qui avait séché pendant la nuit. Après tout, la prêtresse la lui avait donnée, Hoyio pouvait la garder sans que ce soit voler, se dit-il. Il la prit, et l'enfila par-dessus son kimono, comme un manteau. Sa toge sur les épaules, il descendit l'escalier, ouvrit la porte, sortit, et enfila sa geta, et referma la porte.
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La Cité aux Mille Cerisiers
AdventureLes Premières Aventures du Petit Intrépide Akemi Kirosake (1/3) Hoyio n'est pas encore vieux et vénérable, puisqu'il n'a guère plus de sept ans. Il n'a jamais quitté sa demeure, et n'envisage pas de le faire. Pourtant, lorsqu'on le contraindra à qui...