Au large, un cyclone approchait, que rien ni personne n'avait prévu. Mutsu Hiroboshi et son jeune apprenti Hoyio voyageaient en longeant la côte, ignorants du danger. Ils furent cependant surpris de sentir les premières gouttes de pluie tomber sur eux.
« De la pluie en cette saison ? » dit Mutsu, et il fouetta ses chevaux, désireux de rentrer au plus vite à l'abri dans la ville de Nafuku. Mais plus ils avançaient et plus la pluie s'intensifiait. Craignant que le petit Hoyio ne s'enrhume, Mutsu trouva dans son chariot une épaisse couverture, dont il recouvrit l'enfant.
Mais la pluie sur le sol aride s'écoulait mal. Eprouvés par des mois de sécheresse, les sols étaient trop dur pour pouvoir s'imbiber, et bientôt une eau abondante s'écoulait dans les fossés longeant le chemin, ou stagnait dans les marres à même la route.
Ce fut lorsqu'ils furent à l'embouchure de la rivière Biketo, que Mutsu prit conscience du risque. La route côtière traversait une succession de petits courts d'eau, sur lesquels de petits ponts en bois étaient aménagés, et plus le temps passait plus leur niveau d'eau montait dangereusement. Lorsque les deux voyageurs virent l'un des ponts presque submergé, Mutsu réalisa que s'ils pouvaient encore franchir celui-ci, rien d'indiquait que lorsqu'ils arriveraient à la suivante, le niveau d'eau n'aurait pas tant augmenté que la route serait coupée. S'ils étaient voués à rebrousser chemin, il fallait le faire au plus vite, tant que c'était encore possible.
« Nous n'allons pas rentrer ce soir, mon pauvre petit Hoyio », dit Mutsu. L'enfant afficha un visage défait tant il espérait retrouver sa ville, sa maison et son lit. « Si nous nous dépêchons, nous pourrons retraverser les ponts derrière nous, et retrouver ce village de braves paysans. »
L'embouchure de Biketo était encore praticable, le pont tiendrait encore plusieurs heures. Lorsqu'ils l'eurent franchi, Mutsu lança les chevaux à toute vitesse sur la route devenue boueuse. Après quelques heures, ils sortirent de la tempête. La pluie n'était plus qu'un souvenir derrière eux à présent. « Allez, dit Mutsu, nous serons au village avant ce soir. »
Ce ne fut plus la pluie, mais le vent, qui vint les éprouver. Une violente bourrasque emporta le manteau d'Hoyio, qui ne fut pas assez vif pour le retenir. Hoyio regarda impuissant son manteau malmené par les airs, prendre de l'altitude et se faire tout petit loin derrière eux. Il eut envie de pleurer, car c'était pour lui une bien cruelle perte. L'air émettait à présent de violents sifflements et transportait avec lui feuilles, terre, cailloux, poussières. Puis une nouvelle bourrasque manqua d'éjecter l'enfant hors du chariot, qui dût se retenir de justesse à la manche de son maître. La pluie qu'ils avaient traversée était derrière eux à présent, mais le vent continuait de souffler dans leur direction, entraînant avec lui d'autres nuages. Mutsu voyait à l'horizon un liseré noir de nuages lourds s'avancer en longeant la côte vers eux. « Il nous faudra atteindre le village avant que ces nuages ne soient sur nous, dit Mutsu. Nous pourrons avertir ces braves gens du danger qui s'approche, et nous leur demanderons un abri. »
Ce fut de justesse que Mutsu put finir sa phrase, car il mourut là. Une branche de bois vert, rectiligne, qui avait été arrachée au tronc de son arbre en laissant de longues échardes de bois dur dépasser dans son prolongement, n'était pas moins fatale que si elle avait été volontairement taillée de main d'homme dans cette intention, vint se ficher aussi vivement qu'un projectile tiré par un arc dans l'œil de Mutsu, embrochant du même coup le cerveau et perçant l'arrière du crâne du brave homme qui, sans dire un mot, tomba du chariot.
Hoyio, qui n'avait pas reçu l'ordre de son maître de descendre du chariot, ne put que regarder le cadavre au sol s'éloigner de lui, ses cheveux et vêtements continuant de battre au vent. Certes, l'enfant n'avait pas non plus le droit de conduire seul, car il était bien trop jeune pour cela. Que devait-il faire ? Désobéir en descendant du chariot sans permission, ou désobéir en conduisait le chariot vers sa destination ? Hoyio ne sut se résoudre à choisir. Bientôt, son maître ne fut qu'une forme indistincte horizontale au loin, tandis que les chevaux continuaient de mener Hoyio loin de la scène.
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La Cité aux Mille Cerisiers
AventuraLes Premières Aventures du Petit Intrépide Akemi Kirosake (1/3) Hoyio n'est pas encore vieux et vénérable, puisqu'il n'a guère plus de sept ans. Il n'a jamais quitté sa demeure, et n'envisage pas de le faire. Pourtant, lorsqu'on le contraindra à qui...