L'aigle de glace (Ikaros)

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L'aigle volait dans le ciel embrumé. Au-dessus comme en-dessous de lui, c'était le brouillard qui l'entourait. Il ne pouvait s'élever, l'oiseau fragile, protégé par la brume des cruels rayons du soleil.

Pourtant, le voilà qui montait, et montait, et montait encore, toujours plus haut dans le ciel. Savait-il seulement ce qui attendait ceux qui pensaient pouvoir se jouer des Brumes ? S'il connaissait les conséquences, alors il n'en tenait point compte.

Petit à petit, l'aigle s'élevait dans l'air glacial, s'éloignant du sol enneigé. Une plume tomba, brillante et gelée. Bientôt, l'oiseau si froid perça le cocon protecteur. Au-dehors, les rayons du soleil se faisaient plus crus, sans les nuages pour les atténuer. L'aigle fut vite tout luisant, et de grosses gouttes d'eau tombaient au sol. La chaleur lui pesait, à lui qui était habitué à la douceur brutale du blizzard d'en bas.

Il avait soudainement l'impression d'être plus petit. D'abord, il attribua cela à l'altitude, à la grandeur des terres qui s'étendaient au-dessous de lui et à celle du ciel, si dégagé qu'il en paraissait plus vaste. Et puis, il comprit. Il avait désiré la chaude liberté, mais était fait de glace brumeuse, majestueuse mais contrainte à ne jamais quitter les Brumes.

Au sol, un voyageur resserra son manteau sur son corps frigorifié. L'averse de neige se faisait plus violente. Soudain, au milieu des flocons, un éclat brillant attira son regard. C'était une plume, une magnifique plume de glace tombée du ciel opaque. L'homme leva la tête. Il ne vit rien, pas même un oiseau.

Blotti dans un nid douillet de neige et de plumes, un louveteau dormait. Le voyageur déposa délicatement sa trouvaille près de lui et reprit son chemin.

Les Brumes | Recueil de textesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant