3) L'Ombre

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J'étais assise sur le bord d'une chaise, face à Philomena, debout, qui se tordait les mains en faisant les cents pas. Je soufflai avec agacement face à sa nervosité.

-Explique moi Phila, comment tu es au courant pour l'hôpital ? Je veux dire, comment tu savais que cet article s'y trouvait ?

L'intéressée soupira bruyamment comme pour calmer son angoisse. Elle tourna son beau visage aux traits apaisants vers moi, mais cette fois-ci je ne vis que la fatigue et l'abattement.

-Ecoute Siam, je n'ai pas grand chose à te dire que tu ne saches déjà...

Je tapai nerveusement du pieds sur le sol, cette discussion tournait en rond. Je sentais une colère refoulée depuis bien longtemps menacer de faire surface et, craignant qu'une position statique n'aggrave mon impatience, je me levais promptement.

-C'est toi qui a estimé qu'il était nécessaire que l'on discute. Alors va jusqu'au bout maintenant, crâchai-je avec mauvaise humeur.

Philomena tressaillit puis respira avec vigueur, comme pour se donner du courage.

-Très bien ma fille, mais je ne veux pas que tu m'interrompes, est-ce clair ?

Son ton autoritaire m'arracha une grimace. C'était inhabituel.

-Il y a huit ans, lorsque la police t'as découverte, tu n'étais pas dans une rue parisienne comme il est inscrit dans ton dossier, poursuivit Philomena. Tu te trouvais devant cet hôpital, celui-là même où tu as récupéré l'article.

Elle accompagna cette dernière phrase d'un regard assassin me signifiant qu'elle avait bien comprit pour ma petite virée nocturne. Elle reprit finalement son récit sur un ton monocorde.

-Tu étais entièrement vêtue de cuire et ton visage présentait des marques de contusions. Tu avais l'air complètement paniquée et... à ce que m'on dit les services sociaux, tu répétais en boucle une phrase.

-Quelle phrase Phila ? Pourquoi je ne m'en souviens pas ?! Pourquoi je ne me souviens pas de ça, moi ?

Un second regard noir m'intima de garder le silence, ce que je fis docilement. Mais au fond de moi, je bouillonnais.

-Tu répétais sans cesse "C'est de ma faute, c'est moi qui l'ai tué".

Stupéfaite, je manquais de m'étouffer.

-Que... Quoi ? Attends, c'est n'importe quoi là, j'avais peut être écrasé un moustique en fait.

Philomena leva les yeux au ciel, exaspérée.

-Tu avais un poignard à ta ceinture. Ensanglanté. Les analyses ont révélé que le sang appartenait à un garçon relativement jeune, mais la police n'a pas relevé de signalement de meurtre ou suicide infantile dans la région, ni rien qui puisse concorder avec le jour de ton apparition.

Sous le choc, je manquais de m'écrouler sur ma chaise.

-Mais bien sûr qu'ils n'ont rien trouvé, puisque je n'ai tué personne ! explosai-je. J'étais une gosse Phila, j'avais neuf ans ! Même aujourd'hui je ne serais pas capable d'un tel acte, alors à l'époque !

-Bah putain, souffla une voix masculine derrière moi.

Je me retournais et avisais Camille dans l'embrasure de la porte. Il fixait sa mère avec des yeux ronds, puis moi, effectuant un mouvement de va et vient perplexe entre nos deux visages.

-Cam, remonte dans ta chambre, ordonna Philomena d'une voix sourde.

Son ton, catégorique, fut sans appel. Le garçon déguerpit sans demander son reste, réalisant que ces révélations étaient bien trop considérables pour jouer les capricieux.

Peter PanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant