média: Siam
Il ne restait de lui qu'un souffle régulier glissant sur l'arrière de ma nuque.
-Tu vois, Siam... murmura la chose d'une voix désarticulée. Je suis revenu te chercher
-Qui es-tu ? sifflais-je, m'obligeant à garder contenance.
Une main noire comme la nuit se posa sur mon épaule immobile, répandant une vague de froid dans mon anatomie. Je ravalais douloureusement ma salive, obligeant mes yeux à descendre vers le membre glacé de la créature.
-Tu ne te souviens donc de rien... Comme c'est regrettable...
Ses doigts sombres s'enfoncèrent dans mon épaule, m'arrachant une grimace de douleur.
-Qui es-tu ? répétai-je comme un mantra.
-Quelle tristesse, quelle tristesse, quelle tristesse. Vraiment, c'est très regrettable. Que fera-t'il de toi, dans ce cas ?
La voix caverneuse s'infiltrait dans mes oreilles telle une plaintive psalmodie, vrillant mes tympans et brouillant mes sens. Ma tête tournait et les murs de la ruelle donnaient l'impression de s'écrouler sur moi tant le décors vacillait sous mes yeux. Les doigts glacés de la créature perçaient ma peau sans ménagement, réveillant chez moi une insupportable douleur. Je me détachai vivement de son emprise et, rassemblant mes faibles forces, me tournai vers la sinistre présence.
-Qui es-tu à la fin! hurlai-je, furieuse.
Je tombai à genoux, tremblant des pieds à la tête.
-Ça va mademoiselle? répondit une voix inquiète.
Abasourdie, je clignai des yeux. Le soleil brillait dans le ciel et l'air doux de ce mois de juin venait réchauffer mes épaules. Un jeune couple accompagné d'une poussette me lorgnait comme si j'étais complètement folle, les sourcils arqués et la bouche entrouverte. La migraine qui m'avait brusquement saisie s'estompa aussi vite qu'elle était arrivée. Je me relevai d'un bond, époussetant mon jean avec le plus de naturel possible.
-Tout va très bien, merci, toussotai-je, confuse.
Je baissai la tête avec gêne et sortit en trombe de la ruelle à présent lumineuse et pleine de vie.
C'était quoi ça, bordel ?
***
Une fois de retour chez moi, je me précipitai dans ma chambre sans un regard pour Philomena qui se dirigeait dans ma direction les yeux noyés de larmes. J'avais d'autres soucis plus urgents à régler que les états d'âme de la femme qui me mentait depuis huit ans.
Une fois la porte fermée, je déverrouillai mon téléphone et composai le numéro de mon meilleur ami.
- Siam enfin, t'étais passé où? Phila m'a appelée, elle était inquiète à ton sujet ! Pourquoi tu t'es cassée de chez toi comme ça ?!
-Raph, il s'est passé un truc pas normal, le coupai-je d'une voix plus aiguëe que je ne l'aurais souhaité.
-Ça va Siam ? T'as l'air bizarre.
-S'il te plaît, écoute moi quand je te parle! Je te dis qu'il s'est passé un truc bizarre ! Je crois que quelqu'un me cherche, je crois... Je suis dans la merde, bordel Raph je ne sais pas quoi faire.
-Okay princesse, calme toi et explique moi ce qui te met dans cet état.
J'inspirai profondément une grande goulée d'air et expirai longuement, apaisant le sentiment d'insécurité qui me collait à la peau.
-Quelque chose me suit. Je le sens qui m'observe, qui me guette. Je ne sais pas ce que c'est, ça n'a pas l'air humain, mais ça m'a parlé. Ça m'a touché !
Un silence accueillit mon explication.
-Je ne comprends rien de ce que tu me racontes, me répondit finalement la voix de mon meilleur ami.
Je me mordis les lèvres, en colère. Pourquoi fallait il que tout le monde s'acharne à rendre ma journée encore plus compliquée ?
-Écoute, laisse tomber. On se voit demain, il faut que je réfléchisse à certaines choses okay ? Onze heure devant chez toi ?
Silence.
-Raph ? Raph, t'es là ?
Toujours aucune réponse.
-Bon écoute, si jamais t'es au bout du fil, moi je n'entends rien. Je pense que mon portable bug encore. Je raccroche.
Un grésillement raisonna dans le combiné, signe que la ligne avait bel et bien un problème. Je m'apprêtais à appuyer sur le téléphone rouge quand un toussotement rauque en provenance de l'appareil suspendit mon geste. Je collais à nouveau le téléphone contre mon oreille.
-Tic tac, tic tac, dit au revoir à ceux que tu aimes Siam, car tu n'en auras plus l'occasion...
La même voix désarticulée que dans la ruelle se diffusa dans la pièce, fallacieuse, sinistre, cruelle. Un frisson secoua mon corps, fruit de la rage qui gonflait peu à peu en moi.
-Qui es tu ? Fout moi la paix ! m'époumonai-je dans le combiné.
-tic tac, tic tac, riait la voix.
Je raccrochai, tétanisée. Mon corps refusait de bouger, ma bouche pâteuse n'émettait plus le moindre son. Tout mon être semblait s'être mis sur pause, refusant même à mes larmes de tracer leurs lignes salées sur mes joues. J'entendis vaguement la porte de ma chambre s'ouvrir, suivit du bruit feutré de pas sur ma moquette. Au loin, une voix prononça mon nom, tout doucement, tel le murmure du bruissement des feuilles d'un arbre. Je sentis un contact sur mes épaules, d'abord faible et délicat, puis de plus en plus pesant. Mon épaule droite me faisait souffrir là où les ongles de l'Ombre avaient écorché ma peau. La douleur brûlait de plus en plus, lancinante, me ramenant brusquement à la réalité. Face à moi, Luc, l'homme qui endossait le rôle du père que je n'avais jamais eu, me secouait vivement par les épaules.
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Peter Pan
ParanormalSiam a dix-sept ans. Orpheline, elle grandit en famille d'accueil depuis ses neuf ans et ne conserve aucun souvenir de sa vie avant cette époque là. Une nuit, elle découvre par hasard la sombre histoire d'une petite fille schizophrène, Wendy Darling...