5) Peter Pan

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Média: Peter Pan

Quand je repris conscience, tout mon être n'était que douleur. Les pulsations de mon cœur raisonnaient dans ma boite crânienne comme de gémissantes supplications, perforant mon esprit de leurs plaintes lancinantes. J'avais l'impression que mes organes se consumaient de l'intérieur, qu'un feu liquide brûlait mes entrailles, réduisant mon corps à une intense hémorragie aussi corrosive que de l'acide. Je n'arrivais pas à respirer, je suffoquais tandis que mes poumons récalcitrants refusaient d'absorber l'air si précieux. Incapable d'ouvrir les yeux, je souffrais dans un environnement inconnu, glacial et humide.

La vérité me frappa brutalement: je me noyais.

Cette prise de conscience eu sur moi l'effet d'une décharge électrique. Récupérant alors l'usage de mes membres, je commençai à gesticuler sauvagement, frappai dans le vide avec véhémence, incapable de me repérer dans l'espace. Brusquement je sentis une vive douleur à l'arrière de mon crâne, puis ma tête surgit de l'eau mortelle dans de grandes gerbes d'éclaboussures. J'ouvris brusquement les yeux et inhalai une grande goulée d'air salvateur, sentant avec euphorie la vie se diffuser progressivement dans mon corps engourdi. La main qui m'avait sortie de ce supplice en me tirant par les cheveux m'asséna une grande claque qui me fit tomber à la renverse. Je clignai des yeux, complètement perdue, chaque partie de mon anatomie endolorie. L'environnement qui m'entourait se précisait à mesure que je sortais de mon état semi-comateux. Je pinçai les lèvres, frustrée de la lenteur que prenait mon corps pour se remettre d'attaque et ne pus m'empêcher de lâcher un juron.

-Elle marmonne quoi la sirène ? se moqua une voix jeune en face de moi.

Je sentis une main saisir mon menton et soulever ma tête. Mes yeux semblaient de plus en plus coopératifs, si bien que ma vision était à présent assez nette. En face de moi se tenait un jeune homme qui devait avoir mon âge. Il avait les yeux bleus et les cheveux châtains coupés courts. Son visage buriné par le soleil était taillé au couteau, lui donnant ainsi un air accusateur. Un large sourire fendait son visage, ce qui augmenta considérablement ma méfiance.

Il lâcha mon menton, se leva et tendit sa main dans ma direction, m'incitant à faire de même. Je le regardai ahuri, ne sachant s'il fallait rire ou pleurer face à tout ce cirque.

-Ecoute, je m'excuse pour le seau d'eau. Peter voulait qu'on te réveille. Et la claque, c'est Enzo qui m'a dit que ça fonctionnait bien pour redonner les idées clairs. Bon, ça ne marche pas trop on dirait.

Il me fixait, la main toujours tendue et une étincelle de malice dans le regard. Résignée, je boudai son aide et me relevai maladroitement en grinçant sous les réticences de mes muscles courbaturés.

-Je fous quoi ici, demandais-je d'une voix rauque.

-Tu verras bien, me répondit le garçon avec un clin d'œil. Au fait, je m'appelle Natael.

Je le scrutai quelques secondes, sceptique. Son enthousiasme ne m'inspirait pas confiance.

-Elle est où, l'Ombre ? m'enquis-je en jetant des regards furtifs un peu partout.

-Ne t'en fais pas, Peter l'a récupérée. Je sais qu'elle peut être un peu flippante mais elle ne fait rien sans son accord.

Je ricanai. Flippante ? Quel doux euphémisme.

Je sondai rapidement la pièce dans laquelle nous nous trouvions. C'était un petit salon en rondin dont les interstices entre le bois laissaient s'échapper la lumière blafarde du jour. Le mobilier, vétuste, se composait d'un canapé recouvert de fourrure, d'un petit tabouret en bois, d'une table et d'un seau d'eau que ma tête connaissait probablement mieux que quiconque. Je regardai le sol sur lequel mes cheveux mouillés gouttaient inlassablement. D'épais tapis de laines recouvraient le parquet d'un doux brun et amortissaient le bruit de nos pas ainsi que la rencontre de mon postérieur avec le sol, quelques minutes plus tôt.

Peter PanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant