VII - Je te dépose?

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Louis n'avait pas eu à faire aux surprises élaborées par Harry depuis déjà plus d'une semaine. Il avait remarqué qu'Harry semblait ailleurs en classe depuis quelques jours, bien qu'il ne prêtait guère attention à ses cours en général, il avait laissé son air désinvolte et intéressé pour une impression presque impatiente de sortir de classe. Il n'était évidemment pas venu aux heures de colle ordonnées par le proviseur, qui lui avait payé comme prévu pour refaire la peinture de sa voiture contre son silence à la police.

C'était un vendredi après-midi pluvieux, l'automne s'installait lentement mais sûrement, et le froid commençait à se faire sentir. Louis se dirigeait vers sa voiture à la peinture flambant neuve quand il vit du coin de l'œil quelqu'un s'agiter à une dizaine de mètres.

Il tourna la tête et aperçu Harry près d'une voiture, la sienne il espérait, donnant furieusement un coup de pied dans le pneu avant, tout en se passant les mains dans les cheveux en jurant. L'incessante bonne volonté de Louis le poussa à s'approcher.

- Quelque chose ne va pas ? lui demanda-t'il.

Harry tourna la tête vers lui, les sourcils froncés – pour changer – et le regard soucieux. Il souffla d'un air exaspéré.

- Qu'est-ce que vous me voulez encore ?

- Je viens de te voir frapper ta voiture, décidément, tu les aimes pas beaucoup... répondit Louis, ironique.

Harry grimaça, que Louis traduisit par « très drôle ». Harry tourna de nouveau la tête vers sa voiture et souffla une insulte, en posant les mains sur le capot.

- Ma bagnole démarre plus, et je dois aller chercher quelqu'un à l'aéroport, finit par expliquer Harry, en se repassant la main dans les cheveux.

- Pourquoi tu ne prends pas le bus ?

- Non, ça serait beaucoup trop long. Harry fit une pause avant d'ajouter, c'était sensé être une surprise.

Cette idée sembla lui rappeler sa colère car il se tira un peu plus les cheveux et détourna le regard. D'une certaine façon, Louis trouva cela touchant de savoir Harry capable de se préoccuper d'une autre personne que lui-même. Il réfléchit quelques secondes avant de proposer :

- Je peux te déposer si tu veux.

Harry le regarda comme s'il avait dit qu'il décollait pour Mars dans quelques minutes.

- Mais c'est super loin, c'est carrément pas près de chez vous !

- Premièrement t'en sais rien et deuxièmement, ma proposition n'est valable que pendant deux minutes, alors tu décides à monter ou je te laisse ici te démerder.

Harry fut surpris du terme employé par son professeur, regarda sa voiture puis acquiesça presque malgré lui.

- Merci, murmura Harry, à peine audible, mais Louis l'entendit, ce qui dessina un sourire presque victorieux sur son visage. 

Il prit son sac, suivit Louis et s'installa sur le siège passager. Après quelques minutes, Harry brisa le silence maladroitement.

- C'est le lycée qui a payé pour repeindre votre voiture ?

- Oui, répondit Louis, crispé.

- Payer pourvu que la réputation du lycée ne soit pas touché, lança Harry sur un ton ironique.

- Peut-être, mais l'acte reste le même. C'était bête et puéril, en plus de méchanceté gratuite.

Harry détourna les yeux. Il le mettait mal à l'aise ; il ne comprenait toujours pas pourquoi il s'obstiné à être gentil avec lui et lui venir en aide après tout ce qu'il lui avait fait. Toutes ses tentatives pour qu'il le déteste n'avait manifestement pas abouties. Un siège-auto sur le siège arrière, qu'il remarqua dans le rétroviseur, le sortit de ses pensées.

- Vous avez des enfants ?

- Non, une nièce dont je m'occupe.

- Même votre famille vous refile leur mioche, vous avez jamais l'impression d'être utilisé ? demanda Harry sans attendre de réponse de sa part, appart de l'exaspération, et afficha de nouveau son petit sourire en coin.

- Je suis son seul parent.

Louis avait répondu calmement, le regard concentré sur la route. Quant à Harry, lui fixait les gouttes d'eau qui descendaient leur courses folles sur la vitre fermée, ne sachant pas quoi penser de la réponse de Louis. Il le surprenait toujours, dans sa façon si calme de réagir face à des situations où tout le monde se serait emporté ou aurait été gêné, dans sa gentillesse malgré son attitude insolente et agressive à son égard. Il détestait qu'il croit tant en ses capacités et qu'il s'intéresse autant à lui.

Ce fut Louis qui reprit la parole, les sortant tout les deux du malaise qu'il ressentait après cette révélation personnelle.

- Tu as lu le livre que je t'ai recommandé ? demanda-t'il sans grande conviction.

Harry ne sut pas pourquoi pour la première fois depuis longtemps, il se senti mal de le décevoir :

- Non.

- Je suis sûr que ça te plairait, en plus d'être un incontournable de la littérature.

- Je lis pas beaucoup de toute façon, répondit Harry en haussant les épaules. 

Bizarrement, il n'osa pas lui dire qu'il ne se souvenait même plus du titre.

- Là, tu m'étonnes, dit Louis sincèrement. Il tourna la tête vers Harry, et planta son regard dans le sien. Je me demande ce que tu pourrais nous sortir si tu avais un peu plus de connaissance et d'expérience en littérature.

Harry senti quelque chose au creux de son ventre, comme foudroyé par la paire de yeux bleus qui le regardait avec une telle sincérité et détermination qu'il aurait presque pu finir par y croire. Harry entrouvrit la bouche, même si aucun son n'aurait pu en sortir à ce moment là, mais Louis le coupa.

- On est arrivé.

Harry cligna des yeux puis détacha sa ceinture sans rien dire.

- Au fait, qui est-ce que tu vas chercher ?

- Ma sœur, répondit Harry avant d'ouvrir la porte. Merci.

Louis étouffa l'étrange sensation qu'il ressenti à entendre sa réponse, comme une sorte de soulagement. Alors qu'Harry était presque sorti, il lui attrapa le poignet.

- Tu me remercieras pendant ton heure de colle avec moi ! À lundi!

Il le lâcha, Harry ferma la porte sans se retourner puis disparu sous la pluie battante vers l'aéroport. 

Lost soul in WonderlandWhere stories live. Discover now