Chapitre III

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Les sabots des chevaux ralentirent le pas. Les roues se frottant contre le sol finirent par s'arrêter une vingtaine de mètres après, puis un cheval poussa un hennissement qui réussit à alerter la maisonnée devant laquelle l'attelage venait de se placer. Une première silhouette apparut sur le seuil de la porte : le majordome. Une chevelure rejetée en arrière et plaquée sur le haut de son crâne grâce à de la cire, des lunettes devant ses yeux verts et un air renfrogné que Joseph ne cessait jamais d'afficher. Quelques rides tiraient ses yeux, témoins d'un âge avancé ou du résultat de ses sourcils souvent plissés.

Le valet de pied n'attendit pas que Lady Armstrong ne frappe contre le plafond du véhicule, au vu de leur sortie précipitée, il la savait irritée. Bien qu'en apparence, elle essayait d'en montrer tout le contraire. A vrai dire, tous ceux qui la fréquentaient d'assez près pouvaient distinguer quelques-unes de ses humeurs. Ou les confondre d'ailleurs !

Victoria les surprenait toujours de toute manière.

Lorsqu'il ouvrit la portière, elle fut évidemment la première à y descendre ignorant la main qu'il venait de lui tendre afin qu'elle puisse poser ses talons au sol en toute sécurité. Soudainement, la jeune Lady sentit l'une de ses jambes faillir et elle en perdit ensuite l'équilibre si bien que si son frère n'avait pas été présent pour la secourir à temps, Victoria aurait senti le sol sous son postérieur. Le valet, étant resté en retrait après qu'elle l'ait repoussé d'une manière involontaire – ou pas-, s'approcha du couple Armstrong afin de les venir en aide.

— Je n'en dirais rien à Grand-père, mais sois plus vigilante à l'avenir.

Alexis relâcha son bras pour la laisser repartir. Elle gardait toujours ses lèvres scellées et cela devenait plus frustrant encore que d'affronter ses remarques acerbes. Lui qui se faisait un plaisir de répliquer.

Quand il l'aperçut monter les quelques marches devant l'entrée, Alexis Armstrong poussa un petit soupir en la voyant disparaître à l'intérieur de leur domaine. Il ne lui fallut que quelques enjambées pour la rejoindre, cependant au lieu de la voir se dévêtir aidée du majordome, Victoria fuyait leur Grand-père en prenant le couloir à sa gauche. Elle retirait ses gants en marchant assurément en direction de son boudoir, prête à claquer la porte au nez de celui-ci sans répondre à ses innombrables questions.

— Victoria Armstrong ! hurla Trafford , consterné.

Quelle satanée petite-fille avait-il !

Brusquement le bruit sourd d'une porte qui se ferma résonna dans le couloir. En s'approchant à grande vitesse, son Grand-Père ne put que se saisir de la poignée pour finalement comprendre qu'elle l'avait verrouillé par la suite. Comme Victoria s'enfermait toujours à l'intérieur sans donner une once de vie, il prit la décision d'aller voir son petit-fils qui l'aiderait à éclairer le comportement de Victoria.

En revenant sur ses pas, Alexis avait aussi disparu.

— Où est-il ?

— Dans sa chambre, sir.

Il entreprit de monter les escaliers mais à peine eut-il monté les trois premières marches que le majordome s'exprima :

— Il a demandé à ce que personne ne puisse le déranger, milord.

— Satanés gavroches ! s'exclama-t-il ensuite en prenant la direction du salon dans lequel il irait fumer sa pipe pour calmer ses nerfs à vifs.

Du côté de Victoria, une fois qu'elle se soit laissée choir sur sa longue méridienne de couleur crème, la jeune femme avait fixé un point vide droit devant elle en se remémorant les dernières images qui étaient passées devant ses yeux dans l'après-midi.

Les débauchés, Tome 3 - Jeu de CoeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant