Chapitre XII

238 35 1
                                    


Cette demeure lui rappelait tellement de souvenirs. Les larges barrières qui s'allongeaient jusqu'à l'angle de la rue lui paraissaient bien plus grandes que dans ses souvenirs. Presque impénétrables.

Alors qu'elle avait eu pour habitude à l'époque de les escalader afin d'éviter de passer par la porte principale. Les domestiques avaient été tout aussi surpris qu'elle en la voyant atterrir sur le sol ferme du côté Est du jardin. Bien évidemment, aucuns n'avaient su garder le secret. Il était choquant qu'une lady de sa trempe puisse se comporter de manière aussi grotesque. D'après Lady Georgia Mallory, mère de Lord Kincardin, « il n'y a que les brigands qui escaladent des barrières ou des murs pour s'infiltrer dans un manoir ».

Victoria se souvint d'en avoir fait les frais. Son grand-père l'avait assigné à résidence pendant un mois entier et chacun de ses déplacements, le moindre petit pas, s'accompagnait d'un serviteur.

« Quelles sont donc tes manières jeune fille ! l'avait-il furieusement sermonné. »

A l'époque, Sybil était restée à s'occuper de son entrée dans la société. Et des deux premières années qui s'en étaient suivies. A dire vrai, Victoria savait que Jared cesserait de faire appel à aux services de la gouvernante car sa soeur était devenue une femme, et qu'il ne lui fallait plus qu'une dame de compagnie pour jouer son rôle de chaperon. Cependant, il avait su que Sybil et elle étaient devenues intimement liées. La jeune fille l'avait considéré comme la mère qu'elle n'avait jamais eu. Puis Victoria était tombée amoureuse et Sybil avait payé le prix pour avoir été trop bonne avec elle. Son frère n'avait pas eu de remords à la congédier sans aucunes lettres de recommandations.

Le regard fixe, Victoria semblait avoir oublié la raison de sa visite. Elle se tenait bien droite devant le grand portail du domaine où à sa droite, il y avait une petite entrée qui était gardée par un serviteur sous un habit militaire de couleur rouge vif. Elle lissa plusieurs fois le bas de sa robe écrue, aux imprimeries florales et dont le col en V laissait entrevoir une grande partie de sa peau. En relevant la tête, une mèche acajou tomba sur ses tempes qu'elle ramena bien vite derrière son oreille droite.

La diablesse des cœurs était plus effrayée qu'elle ne l'aurait cru. Elle savait qu'elle ne tomberait pas sur Alexander, qui avait déjà quitté le domaine familial avant de se marier. Victoria avait entendu dire qu'il avait une maison près de GreenPark dans laquelle il restait le plus souvent afin de ne pas résider chez ses parents. Bien qu'il soit très attaché à sa mère -bien plus qu'à l'époque-, et que son père et lui s'étaient découverts une nouvelle relation depuis la perte de sa mémoire, il n'avait pas souhaité empiéter davantage dans leur intimité. Alors pourquoi était-elle aussi terrifiée ? Une boule au ventre s'était d'ailleurs formée, lui confirmant bien qu'elle s'inquiétait à propos de quelque chose mais quel était-ce ?

Au fond de son cœur, elle savait qu'elle renonçait à se battre avant d'avoir commencé. Mais si elle devait le séduire, ce serait sans qu'une personne en soit blessée. Elle ne détruirait pas une relation qui semblait marcher à merveilles.

— Veuillez ouvrir, Lady Armstrong est attendu.

La voix d'un homme la sortit de ses pensées. Elle déplaça ses pupilles sur le soldat qui lui ouvrait la porte puis sur un autre homme plus grand qui n'était autre que le majordome des Mallory. Victoria sentit son cœur tambouriner fortement dans sa poitrine tandis qu'elle s'approchait d'eux. Le majordome regarda par-dessus son épaule mais ne vit personne d'autre avec elle.

Bien sûr, Miranda aurait dû l'accompagner seulement, la jeune femme avait souhaité être seule face à sa souffrance. Sa domestique l'aurait prise en pitié, ce qu'elle ne voulait absolument pas.

Les débauchés, Tome 3 - Jeu de CoeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant