Chapitre VIII

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Victoria fut amusée de voir combien il dissimulait mal son désir certain pour elle. Son regard se plaisait à le détailler sous tous les angles tandis qu'il préférait le placer sur le paysage extérieur, qui défilait à vive allure. Aussi innocent que lui, elle était certaine que ça n'existait pas à moins qu'un homme dans ce monde n'ait pas encore atteint l'âge de l'adolescence.

Peut-être s'y trompait-elle, Noah ne devait pas être aussi chaste qu'elle ne le pensait. Peut-être qu'il cachait extrêmement bien ses envies. Peut-être bien.

Elle se concentra ensuite sur les plis de sa jupe, le silence régnait étrangement dans l'attelage et elle n'osait pas le briser. Victoria n'avouerait pas qu'il l'intimidait, ce personnage était bien différent de ceux qu'elle avait rencontré jusqu'ici. De plus, elle n'avait pas la même liberté qu'elle se donnait avec les autres. Elle le respectait bien trop pour se donner en spectacle, parler de manière grossière ou encore s'esclaffer de rire comme une vulgaire courtisane. Elle le tenait bien trop en estime pour lui révéler une femme qu'elle n'était pas.

— Lord Mallory n'a plus aucuns souvenirs de vous, n'est-ce pas ?

Sa voix grave la sortit brusquement de ses pensées. En levant son visage, elle croisa ses pupilles noisette et cligna plusieurs fois des paupières sans prononcer le moindre mot. Désarçonnée par ce retour d'analyse, venant de lui, Victoria scella ses lèvres. Ses yeux se frayèrent ensuite un chemin jusqu'à la vitre à sa droite.

— Je suis désolé, Victoria. Je ne permettais pas jusqu'ici d'aborder le sujet, mais je pense qu'il est nécessaire d'en parler. Je comprends à présent pourquoi tant de rumeurs circulent à votre sujet.

— Vous ne comprenez pas...souffla la Lady sans qu'il n'entende le moindre mot.

Il jugea que son silence lui permettait de continuer.

— Les scandales dans lesquels vous vous êtes retrouvés ne sont le fruit que de votre propre œuvre. Vous pensiez qu'il reviendrait un jour, en se souvenant de vous, et que vous reprendriez votre relation d'antan. Mais une décennie est passée, Lady Victoria...Vous ne pouvez-

— Arrêtez. Vous ne comprenez. Ne faites pas comme si vous saviez ! l'arrêta-t-elle sur un ton tranchant.

Aussi surpris qu'elle le fût pour avoir réagi de cette manière, Noah garda le silence en l'observant. Elle lui souffla des excuses, visiblement gênée.

— Pardonnez-moi, je pensais que...

Lord Egerton se retint de dire quoique ce soit d'autre ce qui l'attrista davantage. Elle devenait désagréable avec ceux qui voulaient l'aider, qui voulaient la soutenir dans cette mauvaise passe mais elle souffrait tellement. Victoria ressentait le désespoir au plus profond de son être. Le matin, lorsqu'elle se levait, il n'était plus question de se pavaner dans les rues de Londres en lançant la nouvelle mode. Désormais, elle se levait en se demandant bien de la manière avec laquelle elle pourrait aborder Alexander sans qu'il ne soit sur la défense.

— Noah, cette histoire est terminée, lui informa la jeune femme sans pour autant le penser.

— Je ne pense pas que vous ayez abandonné l'idée de le courtiser, pourtant.

Un petit sourire se dessina sur son visage triste.

— S je m'y lance, je détruirais surement le cœur d'une femme et il me méprisera. Le médecin nous a assuré qu'il n'avait aucune chance de se souvenir des années passées à mes côtés, lui expliqua Victoria en sentant cette boule entraver sa gorge.

Elle leva les yeux au ciel, puis fixant un point vide sur le plafond de l'attelage, elle poussa un long soupir.

— Alexis et grand-père ont raison de m'en dissuader.

Les débauchés, Tome 3 - Jeu de CoeursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant