Pile et face

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Je sais encaisser. Les coups durs je les gère sans difficulté. J'ai un mental solide. Je suis toujours optimiste à cent pour cent. Rien ne m'atteint irréversiblement: je suis solide émotionnellement. Je suis forte.

Je suis un pilier sur lequel beaucoup comptes et s'appuis. Je suis une béquille indestructible qui rattrape quelques personnes.

Je sais dissimuler. Les coups durs je les entassent, loin de ma conscience. Je n'ai pas confiance en moi. Je peux perdre le soleil, je le vois la journée. Mais la nuit il n'est qu'un souvenir et un rêve que je repasse en boucle. Rien ne semble m'atteindre: je maîtrise l'image solide que je renvoie. Je ne suis pas forte.

Je suis un pilier frêle sur lequel beaucoup comptes. Je suis une béquille pour les autres sur laquelle certains pèsent de tout leur poids.

Je suis juste humaine. Une humaine qui a la malchance d'être émotionnellement pudique. Qui garde tout pour elle. Alors les gens confondent cette réserve avec de la force. Une force psychique aussi solide que la bulle qui m'entourent. Cette barrière protectrice filtre parfaitement ce que je souhaite laisser se refléter sur sa surface. Mais l'inverse est aussi faux que cette image.

J'encaisse. J'encaisse toujours. Toujours tout. Je repousse ces émotions et évènements néfastes dans une pièce condamnée au fond de ma conscience. Inconsciemment, la majeure partie du temps.

Je dois être forte pour ceux qui comptent sur moi. Mais leurs poids, parfois, m'étouffent. Et arrive un moment où la porte éclate. Ces souvenirs se répandent partout, sous la forme d'une marée destructrice.

Mais rien ne paraît dans mon sourire. Aucune goute ne se voit à travers mes yeux. Personne ne remarque l'absence de réponse clair à la question « ça va ? », devenu un rituel social plus qu'un intérêt véritable. Tout va toujours bien en apparence. Tout va toujours à merveille lorsque l'on m'écoute.

Mais l'eau m'inonde. Elle coule de l'intérieur. Les larmes que je ne saurais verser se déversent sur mon cœur. Et mon cœur vogue à la dérive, emprisonné dans mon sourire de façade. J'ai parfois l'impression de me noyer de l'intérieur, en silence. Sans que personne ne le soupçonne.

Recueil de sentimentsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant