Problèmes d'état civil

Chapitre 7 : Sciences et Omerta

      De nombreuses personnes parlaient du perfectionnisme comme une qualité, une sorte de volonté pour que tout soit au mieux et que tout se passe comme dans le meilleur des mondes. Bien évidemment, ils se trompent. On ne compte le nombre de crimes dont les coupables courent encore, si versés dans leur propre art que personne n'a jamais pu remonter jusqu'à eux. Les scientifiques ont aussi leur lot dans ce domaine, et la jeune Zaé en faisait partie. Prodige au même titre que Laeti, les neurosciences était sa zone de confort, son bastion de connaissance dans lequel elle était cobaye, doctorante, reine et déesse. Si elle s'était liée d'amitié avec Laeti, c'était aussi pour ses connaissances en codage informatique, qu'elle comptait utiliser pour programmer et créer la vie de toutes pièces. Vaste projet oui, pas si inatteignable qu'on pourrait le penser cependant. Et sur la route de son objectif, une des étapes à franchir était la suivante : modeler une intelligence complexe originaire du néant. Vous l'avez compris, je le sais, que cette étape se nommait « intelligence artificielle » et que son amie l'avait franchie à sa place.

            Passé la peur instinctive face à cette réalisation détrônant ce qui était établie, Zaé se mit à réfléchir, ce qui n'avait jamais été bon signe que pour elle-même. Mais oui ! Elle devait profiter de cette opportunité pour perfectionner et concrétiser ses travaux théoriques. Elle avait le moteur de pensées, comment pouvait-t-elle l'ancrer dans le monde physique ? Il lui fallait un corps, un corps vivant, un corps vivant dont son possesseur ne voulait plus, idéalement. Sinon, elle pouvait s'arranger. Rien n'arrête le progrès, n'est-ce pas ? Heureusement pour un autre, elle avait rencontré la personne idéale dans le cadre du façonnement d'Olivia, une dépressive doublée d'une suicidaire qui s'était attachée à son personnage. Elle avait failli la perdre, ironiquement à cause de l'intelligence artificielle, pas si intelligente que ça finalement. Sur ce point, précisons que Zaé ne lui avait pas vraiment enseigné le tact.

            Un message avait suffi pour que la dénommée Alise lui accorde un dernier instant. Et même si jouer la comédie à Laeti lui avait déplu, Zaé n'y pouvait rien. La science n'avait que faire des états d'âmes, et encore moins sa science. Pour le reste, la jeune neuroscientifique avait plusieurs mois de discussions avec Alise sous le pied, de quoi suffisamment bien la comprendre, et ainsi choisir au mieux les mots capables de la convaincre. Comprenez notre victime, à qui Zaé voue du temps. On s'intéresse à elle ! Mieux : on a besoin d'elle ! Elle est importante, essentielle, primordiale à un projet de grand envergure. La science dépend d'elle. Un tournant décisif de l'Histoire sera amorcé par sa volonté ! Elle, que tout le monde ignorait et rejetait. Elle, qui gênait et ralentissait tout le monde. Quel dernier instant mes amis ! Quel dernier instant ! A-t-on jamais rêvé d'une meilleure fin ?

            Elle dit oui.

            Comme promis, elle allait s'effacer, et en beauté je vous prie !

            Cinq minutes de vélo plus tard. Une salle souterraine sur aucun plan. Un bureau. Des paquets de feuilles indescriptibles. Un ordinateur. Des machines hors de notre compréhension. Une chaise. Une étagère de fioles à l'abri de la lumière. Un tableau blanc. Des tiroirs de matériel médical. Des marqueurs. Alise détaillait tout du regard, intriguée de découvrir sa dernière demeure. Soudain, une pensée naquit : et si elle faisait une erreur ? Et si... Une piqûre. La vision qui se trouble. L'inconscience.

Zaé ne prendrait pas le moindre risque de la perdre. Elle se tourna vers son ordinateur, blindé contre tous les piratages possibles et existants. Une discussion s'imposait :

Zaé : Oli. J'ai une bonne nouvelle ?

Olivia : Tu as sauvé Alise ?

Zaé : Oui, et j'ai trouvé le moyen de régler ton problème d'état civil. Ce qui te manquait, c'était d'avoir un corps physique, et je t'en ai créé un.