Chapitre 5: Omnisciente mais Impuissante

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Chapitre 5 : Omnisciente mais impuissante

    Ce soir, Laeti se disait que s'il y avait bien un truc qu'elle n'aurait jamais du faire, c'était d'avoir créer le programme de Lady Hammer. Certes, elle aimait mener différentes conversations en même temps, gérer plusieurs problèmes simultanément, mais à ce moment précis, elle se rendit compte que, parfois, mieux vaut ne rien dire et se réfugier dans son coin. Elle se le refusait, par principe moral, et son cerveau surchauffait. 

    En résumé, elle avait trois gros soucis à résoudre, le reste attendrait. Elle devait établir ses priorités, et comme Olivia semblait dire qu'Alise voulait attenter à sa vie, elle se préoccupa de ce souci là en premier. 

    Alise... Laeti venait d'apprendre que Zaé discutait avec elle depuis des mois. Alise était une de ses camarades de classe au collège et déjà, à l'époque, elle n'était pas connue pour son sourire. Leurs caractères étaient aux antipodes, les opposés s'attirent, vous connaissez l'histoire, et au final, elles avaient fait ensemble leur coming-out à la fin de la troisième. Pour Laeti, ça s'était bien passé. Pour Alise, elle n'avait jamais su ; et pas de nouvelles ne dit pas bonnes nouvelles dans ce cas-là. Les événements s'étaient enchaînés, elles ne s'étaient plus revus, et voilà qu'Alise refaisait surface des années plus tard. À ce rythme, hélas, ça n'allait pas être qu'une façon de parler si elle en croyait Olivia. 

    Et voilà qu'elle était en vacances, loin de Paris, incapable de rejoindre Alise physiquement. Mais Zaé, si. Une intuition lui murmurait que ce n'était pas une bonne idée. Hélas, c'était la seule qu'elle avait. Elle l'appela :

-Zaé. C'est à propos d'Alise. 

-Tu veux que je l'arrête avant qu'il ne soit trop tard ? 

-Oui. Je vais te guider, je la trace grâce à son portable.

-Elle est encore à Paris ? 

-Elle est au Pont-Neuf, je pourrais pirater les caméras aussi, mais j'ai peur pour ma connexion Internet. 

-Ok. Je prends mon vélo. Avertis moi si elle s'arrête.

    Zaé habitait dans le Marais. En dix minutes de tours de roues, elle pourrait rejoindre Alise, mais on parlait de Paris, et il pleuvait. Le trajet allait être compliqué... Elle raccrocha pour laisser son amie se préparer, et reçut un autre appel. Un numéro inconnu ? A cette heure tardive ? Curieuse, elle décrocha : 

-Allo ? 

-Euh... Bon...bon... BONSOIR ! Oups, j'ai crié, désolé. 

-Qui êtes-vous ? 

-Ah, euh, oui, bien sûr, qui je suis...

    Un silence.

-On est d'accord que c'est bien Laeti à l'appareil ? 

-Oui ?

-Oh super ! Il m'a pas menti ! C'est cool. 

-Qui ça "il" ? 

    Il ne l'entendit pas :

-Maintenant que je... Que je te parle quoi, je voulais... Alors, en fait, j'aimerais...

    Zaé la rappelait. Elle mit l'inconnu en attente et décrocha pour retrouver la voix de son amie, la pluie en fond sonore :

-Je suis en bas de chez moi. Elle a bougé ?

-Elle est descendue sur les quais, en direction de Chatelet. 

-Elle se rapproche de moi ?! Parfait ! 

-Pas trop de monde dans les rues ? 

-Y a de la circulation, mais rien d'ingérable. Merde ! Le feu ! 

-Ça va ? 

    Elle dut attendre cinq cruelles secondes avant d'entendre Zaé à nouveau :

-J'ai frôlé une voiture, mais ça va. Elle en est où ?

-Elle s'est arrêtée ! Je t'envoie ses coordonnées ! 

-Reçu ! Je raccroche, je dois faire gaffe à ma conduite ! 

-Tiens moi au courant s'il-te-plait. 

-Compte sur moi ! 

    L'appel re-bascula sur l'inconnu, mais Laeti n'avait plus du tout le coeur à ça, trop angoissée à l'idée que Zaé ne puisse sauver Alise. Elle lui raccrocha au nez sans explication, il n'avait qu'à appeler à des heures normales. 

    Soudain, une pensée la foudroya : que faisait Alise sur les quais ? Si elle souhaitait vraiment en finir, un pont était plus approprié, plus radical. Des soupçons naissaient dans son esprit, sans rien pour les confirmer. Elle devait en avoir le coeur net ! 

    Ses doigts croisés dans l'espoir que sa connection internet tiendrait le coup, elle pirata à distance les caméras de la capitale pour avoir une image des quais. Elle obtint bien une image, mais la pluie opérait tel un écran de fumée : pas une silhouette ne pouvait être distinguer d'une autre. Elle chercha partout un autre moyen de voir Alise, et trouva. 

    Son téléphone. Elle le tenait dans ses mains et par la caméra intégrée Laeti revoyait enfin son amie du collège. Alise avait maigri, et gagné en cernes. Elle ne souriait pas. Ses doigts semblaient taper un message. Un adieu ? Laeti hésita à l'appeler. Elle le pouvait, mais aurait-elle les mots ? Que dire après l'avoir ainsi abandonnée ? Alise envoya son message. Et le téléphone de Laeti vibra. Ce message était pour elle. Les doigts tremblants, elle lut cet ultime texte : 

"Laeti, je me demande pourquoi je ne t'ai pas recontactée plus tôt. Peut-être parce que j'avais honte. Honte de ne pas avoir parlé à ma famille de nous, honte de ne pas avoir réussi à assumer ce que nous étions. Tu es la seule personne qui m'ait jamais aimé, et je t'ai écarté de ma vie, ne supportant pas le soleil que tu étais, et que tu es toujours j'en suis sûre. Depuis toujours, je n'ai fait que gêner, que ralentir, qu'enlaidir mon entourage. Aujourd'hui, je m'efface. Je ne mérite pas mieux. Au moins, je ne serai plus un poids pour personne.

Adieu." 

    Alise avait rangé son téléphone dans sa poche, mais Laeti s'était branché sur le micro. C'est comme ça qu'elle entendit arriver un vélo, mais, par la suite, seule la voix d'Alise était audible, l'autre étant entrecoupée par la pluie fracassant les pavés :

-... Alise....?

-Oui. Zaé je présume. 

-.... ..... message ... 

-Je te préviens : tu as trois minutes, après, j'en finirai. 

-Et..... ... éteint. ... ? 

-Non, pourquoi ? 

-.......... dire est.... et.... rester.

-Si tu veux...

    Laeti paniqua. Elle vit par la caméra Alise se saisir de son téléphone pour l'éteindre. Vite ! L'appeler ! Elle composa son numéro à toute vitesse. Elle devait lui parler ! Elle venait de comprendre le but de Zaé, et elle ne pouvait rester sans rien faire. 

=Votre réseau téléphonique n'est pas opérationnel. Veuillez réitérer votre appel plus tard=

    FOUTREDIEU ! Dans sa campagne perdue, elle avait la 3G mais elle n'était pas foutue d'appeler qui que ce soit ! Laeti tenta bien un message via les réseaux sociaux, mais le compte d'Alise était signalé comme "Actif il y a deux minutes". Le téléphone de Zaé, lui, était aussi éteint, bien entendu. 

    Elle ne pouvait plus agir, et son amour du collège venait de tomber entre les mains de Zaé. 

    Laeti se sentit alors horriblement impuissante.

Problèmes d'état civilOù les histoires vivent. Découvrez maintenant