Chapitre 4: Rendez-vous en France

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Suite à cette altercation inattendue, mon trio et moi-même avions fait escale à Château-Meville, une grande ville collée à la capitale de l'hexagone, cependant, coupé de tout. Il était trop risqué de rester ici alors que des membres d'Overwatch nous ont repérés. J'ai pris le soin de communiquer l'information à La Griffe qui s'est empressée de nous trouver un manoir, isolé de toute civilisation bien que l'on séjourne dans une grande ville.





Sur ce coup, j'étais très déçue de Sombra, qui était réputée pour sa discrétion, il se trouve que ce genre d'accident arrive même aux meilleurs...





Comme d'habitude, notre trajet s'est fait dans un silence de plomb. Sombra se sentait coupable et honteuse de son erreur, Faucheur ne faisait rien, comme à son habitude, tandis que moi, pour m'occuper, je lustrai mon arme à l'aide d'un mouchoir en tissu brodé, pour que je puisse à voir à quoi je ressemble lorsque j'exerce mon activité préférée... Je sentis la navette ralentir et se poser, je suppose que nous étions arrivés.








- Enfin, je commençais à avoir mal aux jambes, dit Sombra en s'étirant.





La navette était aucunement responsable du temps de trajet, le fait de lui rappeler que ce déplacement fatigant était de sa faute serait remuer le couteau dans la plaie et faire naître inutilement des tensions, mais cela me démangeait fortement. Je souris narquoisement à la place, tournant la tête de façon à ce qu'elle n'aperçoive pas mon sourire.





Je sentis l'air français caresser mon visage glacé, une douce brise agréable et rafraîchissante, c'était doux, bon, délicieux... Je me délectai de ce petit coup de vent jusqu'à fermer les yeux pour mieux en profiter, j'étais déjà partie loin dans un moment de relaxation, je n'avais plus aucune idée d'où j'étais, de quelle heure il était, quel jour nous étions... C'était bien. Mais ce petit moment de paix, comme indiqué, était petit, bref, rapide, Sombra remarqua ma déconnexion totale et posa sa main sur mon épaule, contact que je rejetai immédiatement en me dégageant. Elle n'était pas vexée face à ma réaction, au contraire, elle esquissa un sourire.





- Eh bien, amiga, la France t'a manquée tant que ça ?

- Ne dis pas n'importe quoi, répondis-je en reprenant tout mon sérieux.





Frustrée d'avoir été dérangée, je soupirai puis emboîtai le pas afin de m'éloigner de Sombra et d'éventuelles remarques. Je m'approchai du manoir en le regardant avec une certaine forme d'admiration, je le contemplai de haut en bas, chaque façade a été analysée par mon œil de lynx. J'étais subjuguée par une telle beauté représentant l'ancien temps de mon pays. Ce séjour était comme un bond dans le temps.





Nous pénétrâmes dans la bâtisse sombre et ancienne avec curiosité, une certaine méfiance toutefois... Faucheur n'a pas parlé une seule fois, et je trouvai cela curieux. Car, quand bien même, il n'était pas sociable ou à l'aise avec la discussion, depuis que nous avons quitté King's Row, je n'ai pas entendu une fois le son de sa voix. Son aigreur, sa haine constante, son obscurité me manquaient, il fallait qu'il remplace l'enthousiasme de Sombra à tout prix. J'ignorais si j'étais capable de supporter son caractère encore longtemps, d'ailleurs.





- Bon, je vais m'installer et choisir la plus grande chambre.

- Bon vent, marmonna Gabriel.





Je souris une fois de plus face à ce commentaire qu'il m'ôta de la bouche. Avant de me lancer dans une visite du manoir, je jetai un regard vers le locuteur, qui s'étendit sur un scan visuel de haut en bas sur ce dernier.








- Je pense que je vais faire pareil, je vais un peu visiter en même temps, dis-je d'une voix presque faible.

- Mh, d'accord, répondit-il dans un souffle.





Il en avait rien à faire, ce n'était pas étonnant, puis je ne sais pas à quel genre de réponse je m'attendais de sa part. Je haussai instinctivement les épaules puis me dirigeai en direction d'un long couloir qui me faisait de l'œil depuis que je suis rentrée car il m'avait l'air... Mystérieux et plein de surprises. Plusieurs portes étaient à ma disposition, je les ouvris toutes et découvris au fur et à mesure de nouvelle pièces aussi belles les unes que les autres, avec des meubles en marbre, des chandelles, des lustres diamantés. Toujours plus de chambres, de salles de bain, toujours plus décorées. Puis une porte formée différemment m'interpella. Elle était plus large, d'une couleur bordeaux, rouge sang qui me rappelait le sang de mes victimes que je faisais couler abondamment. C'était un signe de victoire dont je ne me lasserais jamais... Naturellement, je m'avançai vers cette fameuse porte qui m'intrigua de plus en plus au fil des pas. Je tentai de l'ouvrir en la poussant avec mes doigts, mais elle était trop lourde, elle nécessitait l'appui de mes deux mains. J'ouvris enfin la porte, et je restai immobile face à la pièce qui s'offrait devant moi. Une salle de théâtre privée... Evidemment, elle était moins grande qu'une vraie, mais elle restait une salle de théâtre ! Émerveillée, je continuai de m'avancer jusqu'à l'estrade, je déposai mon arme sur le côté puis fixai les quelques sièges devant moi. Je m'imaginai une petite horde de spectateurs, silencieux et impatients de me voir exécuter mon numéro, puis je clos mes yeux et me laissai guider par mon imagination. Je me mis sur la pointe des pieds, m'élançai en écartant les jambes, je faisais des petits pas saccadés, toujours sur la pointe de mes pieds, je tournais, encore et encore, je m'imaginai de la musique, je m'imaginai un piano, une flûte traversière, une harpe... Une fois de plus, j'étais déconnectée de tout, du manoir, de La Griffe, de la France, j'étais connectée avec le ballet, j'étais en harmonie avec la danse.





C'était agréable, je me sentais... Vivante ? J'ignorais si c'était la sensation exacte, mais je me sentais différente. L'orchestre imaginaire continuait de jouer de plus belle, j'étais prête à offrir le clou du spectacle, j'étais prête à tout donner, à me lâcher pour satisfaire la foule qui n'attendait que ça, mais lorsque j'ouvris les yeux, j'aperçus Faucheur au loin, les bras croisés contre son torse. Il me fixait. Je fronçai les sourcils lorsque je compris qu'il me regardait et devait probablement se moquer de moi puis ramassai mon arme qui était à côté des rideaux. Je m'en saisis tout en ne quittant pas mon tout premier vrai spectateur du regard, et il fit de même. Je sautai de l'estrade puis m'avançai vers la sortie, ce qui signifiait que je devais passer à côté de lui. Avec un regard noir, je le bousculai volontairement mais il m'attrapa immédiatement le poignet, me forçant à revenir vers lui et à le regarder.





- Ton spectacle était payant ? Car je payerais bien pour assister à un autre, me déclara-t-il, sans ton particulier, qui me plongea dans une confusion qui m'incita à déterminer le sens de sa phrase.





Était-il ironique, sérieux ? J'en avais aucune idée. Je me détachai vulgairement de son emprise et tournai les talons.

Le baiser de la VeuveWhere stories live. Discover now