Plume noire

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Impossible de me perdre dans ton regard, les choses ont changé il est trop tard. Tes iris claires se sont ternies, les violoncelles pleurent notre défaite. Tes lèvres douces étreignent les miennes, un goût de nostalgie au fond des tiennes.
Lorsque j'y repenserais plus tard, tes baisers se rappelleront à moi comme autant de cactus caressant ma peau.
J'ai l'impression de ne pas avoir droit au bonheur. Le plaisir se faufile entre mes doigts. Il glisse sur mon corps sans atteindre mon âme. Il m'évite, me contourne, se joue de moi. Je suis la souris tu es le chat. Tu plantes tes griffes dans ma chair et entaille ma gorge.
Je comprendrais bien vite que la pression n'était pas assez forte pour m'empêcher de me débattre, qu'un rien m'aurait permis de m'en tirer. Ce zéro qui me manquait après la virgule, inutile d'apparence, essentiel dans les faits, n'était rien d'autre qu'une bulle de motivation, de persuasion, de self-contrôle.
A présent je surfe sur une feuille fanée dans une prairie ensoleillée, le dos brûlé, le cœur gelé. Là où tes mains se sont posées, une brûlure a marqué ma peau à jamais, épiderme calciné comme seul témoin de nos baisers. Honteusement, je ramasse les plumes noires qui ont chuté autour de moi, tapis d'obsidiennes. Je les rassemble en un tas et souffle pour réveiller les braises. Tout flambe.
Quand tout est consumé, je me détourne et pars, tête baissée.
Sous les cendres encore fumantes, gît une dernière plume noire.

A Fleur de peauOù les histoires vivent. Découvrez maintenant