Epilogue

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Alors Esther ? Comment vont tes reins ?
Assis autours de la table, on partageait une pizza végétarienne.
Mieux !
Beaucoup mieux.
Le médecin a dit que je pouvais arrêter la chimiothérapie.
Je t'ai donné une part de pizza et Léo s'est indigné.
Mais arrête de le gaver de pizza ! Y aura plus rien pour moi !
On a rit en rassurant mon frère.
Il y en aurait pour tout le monde.
J'ai rajusté le foulard que j'avais sur la tête.
Mes cheveux repoussaient doucement mais j'aimais bien le garder.
C'était le foulard que j'avais utilisé pour transporter Victor sur mon dos.
Le foulard d'Annie.
La porte a sonné et Léo s'est levé.
Je t'ai regardé des interrogations plein les yeux et tu as ri.
C'est Sébastien.
Il est sorti de l'HP la semaine derrière et il voulait me remercier.
J'ai souri.
Depuis la mort de Victor, les choses s'étaient arrangées pour lui.
Son esprit avait été torturé de questions, de remords, de culpabilité. Il s'était rendu fou à force de reflexion et malgré le grand chagrin qu'il avait ressenti en apprenant la mort de son fils, savoir la vérité sur Annie et sur Victor lui avait permis de faire son deuil.
Léo est revenu avec Sébastien, un grand sourire aux lèvres.
J'ai sorti la photo que j'avais trouvée dans le journal d'Annie.
Pour comparer.
Sébastien avait beaucoup maigri. Il avait une vingtaine d'années mais il en donnait le double.
Il m'a fait la bise. On s'est rassis.
Léo lui a donné une part de pizza.
Il a dit merci en souriant.
Qu'est-ce que vous avez décidé de faire avec les affaires d'Annie ?
Sébastien a souri.
Léo et moi, on va ouvrir une association pour enfants abandonnés... On a pris un associé qui finance le projet et si tout va bien, on commencera le travail le mois prochain.
Léopold a attrappé la main de Sébastien et ils se sont échangés un regard.
Amoureux.
J'ai souri.
La police avait retrouvé le corps de Max pendu dans la cave.
Mon coeur se serrait quand j'y repensais.
Je voyais une psychiatre une ou deux fois par semaine.
Pour surmonter l'attouchement sexuel.
La mort d'un enfant.
Pour vivre avec l'idée que mon vagin atrificiel,que je considérais comme le dernier vestige de ma féminité, avait été sali.
Pour combattre les idées suicidaires. Vaincre la culpabilité.
Pour faire le deuil.
Je me sentais mieux.
La famille de Max nous payait des indémnités et l'État me versait de l'argent régulièrement.
Quand la police avait demandé comment j'avais su que le bébé était celui d'Annie, j'ai répondu que c'était Max qui me l'avait dit.
Personne n'a jamais su pour les messages.
Personne ne pouvait savoir que j'étais venu chez Max pour chercher un bébé.
J'avais trouvé Victor par hasard.
Je crois que tout le monde voulait que cette horrible histoire finisse.
Et vite!
Ma mère avait refait sa vie avec un homme qui la produisait à l'écran. Elle venait nous rendre visite de temps en temps.
On s'entendait plutôt bien avec mon père.
Il s'était remarié quelques mois avant ma tentative de suicide ratée.
Sa nouvelle femme, Rashel, avait eu un bébé.
Une petite fille.
On était tous tombé d'accord pour l'appeler Victoire.
On était même tous tombé d'accord pour que je sois sa marraine.
Tu m'as embrassée et j'ai sursauté.
À quoi tu penses mon amour?
À Annie.
À mon bébé.
Je pense que je me sens bien !
J'ai posé un bisou sur ta joue et j'ai souri en retournant la photo de Sébastien que j'avais dans la main.
De son écriture caligraphiée, sur le dos de la photo, Annie avait écrit, à l'encre noire.
Merci S. Je t'aime    ~ Annie.
S comme Esther ...
S comme Sébastien ...
Cette tentative de suicide avait heureusement était manquée.
Je n'avais pas trouver de meilleures solutions pour mettre un terme à la douleur. Mais aujourd'hui, je savais qu'il fallait courber la tête face à la souffrance et avancer en restant patient.
Le suicide se résumait à passer la douleur à quelqu'un d'autre, au lieu d'y mettre un terme définitivement.
Je me trouvais encore égoïste parfois. Puis je pensais à Victor. À tout le dévouement que j'avais eu pour lui.
Et je me disais que je n'avais rien d'égoïste.
Même si j'avais échoué à tenir ma promesse et à le sauver.
La vie était laide.
Affreuse.
Et terriblement injuste.
Mais elle pouvait être très belle, malgré tout.
J'ai souri de toutes mes dents en mordant dans un bout de pizza.
Mon dentiste me les avaient toutes arrangées.

BrouillardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant