La Fille Zombie.

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Ethan sentit son corps s'affaler violemment sur le bitume desséché avant que l'ombre ne le percute et roule au sol.

Par réflexe, il se releva d'un seul bond passant sa main sur son bras droit endolori. Il se retourna furieux vers la silhouette, allongée, qui ne bougeait plus.

"-Hé.. Toi. "grogna-t-il gravement, en s'approchant rapidement de la chose qui semblait inanimée. Sans réfléchir, il empoigna le col immaculé du sweat blanc du comateux. Il s'apprêtait à lui envoyer son poing dans la figure, mais son geste s'arrêta lorsqu'il aperçu le visage du séditieux.

De consternation, il faillit lâcher sa prise, parcouru alors d'une répulsion qui incisa son esprit . Il voulut instinctivement abandonner dans cette ruelle la chose qu'il tenait.
Mais en même temps, il ressentit une sorte de fascination singulière qui le pétrifia. Curiosité presque scientifique. Il l'observa, comme une créature d'un autre monde, un monde irrévélé à tous sauf à lui à ce moment.

Elle était pâle, non, livide.
Presque transparente, ses veines apparaissaient sur son front à cause de sa peau trop fine. Le teint était maladif, fantomatique, il eu l'impression de tenir entre ses mains une étrangeté improbable. Ses yeux fermés étaient tristement ornés de profondes cernes bleuâtres, et ses lèvres blafardes, légèrement entrouvertes laissaient passer le rythme irrégulier d'un souffle rauque. La forme du visage était monstrueusement anguleuse. Il ne mettait aucune force pour soulever ce qui pour lui devait déjà être un cadavre. Il pensa que tout ce que contenait cette enveloppe physique s'était envolée depuis une éternité, le poids d'une conscience avec. L'état lui sembla constant pourtant, il lui renvoyait l'image d'une proie prise dans une toile, déperissante, rongée à vif de temps à autre par un arachnide qui serrait ses liens de plus en plus fort. Ethan eu l'impression que ce reste d'humain était figé dans le temps, et il se demandait comment son cœur pouvait encore battre.

Après plusieurs secondes dans l'immobilité, Ethan la déposa doucement au sol. C'est alors qu'il remarqua, obnubilé par son visage, il n'avait rien vu. Elle portait un sweat blanc, et beaucoup trop grand pour elle. Mais ses jambes effilées, squelettiques, étaient nues. Elle ne portait rien d'autre que le tissu synthétique qui lui arrivait au milieu des cuisses, et il le devina un sous-vêtement pour cacher son intimité. Ses pieds étaient cisaillés d'entailles, sans doute parce qu'elle marchait sur du goudron couvert de la saleté des villes. Il se demanda si elle fuyait quelque chose pour se retrouver dans cette piètre condition. Après tout, Aedan n'était pas loin.

Son instinct lui dictait de la laisser, ce n'était qu'un problème supplémentaire.

C'était évident qu'il ne pouvait pas s'en occuper. De plus, elle était déjà partie pour lui, ce n'était qu'une question de temps avant que son dernier souffle réchauffe l'air. Puis ce n'était jamais bon d'avoir une fille à moitié morte chez soi.

Ethan, ne me déçois pas.

Trop dangereux. Beaucoup trop dangereux.

Même si cette intrigue lui prenait les entrailles, il ne pouvait pas se le permettre. Il le savait, ce n'était pas le moment d'attirer l'attention. Il allait se relever et lança un dernier regard.

"-Adieu fille zombie." Murmura-il.

Mais quand ses yeux posèrent une dernière attention, ils croisèrent des iris clairs. Un ambre vif qui touchait le vermeille dans une variante de nuance. Il les trouva captivantes, il aurait presque pu être happé par cette profondeur. Presque.

Elle me...

Seulement la sensation tremblante lui revint. Dans une mémoire trouble, qui prenait la gorge d'Ethan à la force proche de la suffocation. Ce regard lui rappelait certaines certitudes, quelques souvenirs qu'il souhaitait effacer. C'était le ressenti que seul un spectre pouvait lui faire connaitre. Il s'embrouilla dans ses émotions, les laissant pleinement prendre le contrôle.

Quelle ironie de tomber sur le mauvais fantôme lorsque l'on en croise un.

Il devait obéir à cette voix.

Elle le fixa et tendit sa main, instinctivement, il l'attrapa et la tira vers lui. Elle était à quelques centimètres de son visage.

Ses paupières se fermèrent, et un soudain spasme pris son corps.

Ethan se retrouva avec l'évanouie dans les bras, couvert d'une substance visqueuse et méphitique.

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"-Aedan. Je l'ai retrouvé."

La voix familière apparue derrière son dos. Il tiqua sentir sa paisible méditation intérieure s'envoler.

- Bien. Amène le dès que possible." Répondit-il, d'un ton las.

Il se retourna, Tade n'était pas un mauvais garçon. Au contraire, même s'il était un peu brusque dans les affaires, son sens de la "diplomatie" avait certifié résultats. C'était le bras droit dont on pouvait rêver pour ce genre de travail. Il était d'une taille plutôt moyenne, mais sa musculature prenait le relais. Les cheveux châtains clairs et l'œil noir, l'effet était parfois surprenant. Il était souvent un peu amoché, preuve que la profession était exercée à cœur. Mais plus que tout, ses conseils valaient une petite fortune d'or. Un cerveau entraîné aux dilemmes, aux situation complexes, et une morale assez douteuse pour trouver la bonne solution à chaque coup. Il l'appréciait.

Cependant il savait que c'était un talon d'Achille. Si Aedan prenait toujours de la distance avec ses "employés", il n'avait pas pu s'empêcher de s'attacher à son caractère bourru qu'il côtoyait depuis des années, lui et...

"- Alors ? Qu'a t-elle dit ? " Lança-t-il d'un ton mesquin.

- Râteau. Encore."

Tade était un ami, leurs confidences allaient au delà du professionnel.

"- Rappelle moi, combien ?

- C'est la cinquième fois.

- Ah. J'aurais bien cru entendre sixième." Aedan éclata de rire, la chute était évidente. Mais la détermination de son collègue le rendait admiratif.

"- Ivre, ça ne compte pas. Je te dois cinquante." Lâcha Tade à mi-soupir en tendant l'agent. Il l'attrapa et l'enfila dans sa poche, un sourire constant aux lèvres. Orgueil puéril satisfait. L'autre leva les yeux au ciel, puis repris son sérieux.

"- Aedan, j'ai plusieurs nouvelles. Elles ne sont pas bonnes.

- Je sais." Expira-t-il. Ça n'allait pas être la partie la plus amusante. Les affairent tournaient mais la machinerie avait beaucoup de bâtons dans les roues.
Il restait ces foutus mystères à élucider.
Beaucoup trop de questions se succédaient.
Une malheureuse perte de temps.
Pourtant il devait jouer son rôle, il avait perdu quelque chose de précieux. C'était hors de question de laisser filer une situation  qui apportait autant de confusion dans les troupes.

"-Mais d'abord amène le cochon. "

[TEARS] Rien De Personnel  Où les histoires vivent. Découvrez maintenant