L'Aventure Zodiaque

2. Les potentiels coupables

Marial fut enterrée trois jours plus tard.
Une tonne de gens que je n'avais jamais vu auparavant s'était déplacée pour les funérailles. Je ne serais pas étonnée d'apprendre que Marial non plus ne connaissait que le tiers du troupeau.

Entre-temps, la nouvelle comme quoi j'ai été désignée par le roi pour devenir la nouvelle ambassadrice a été publiée dans Tyligazette ce qui a fait jaser l'ensemble tout entier de ces bovins manucurés.

Officiellement dans l'Aventure Zodiaque, j'écoute le speech du présentateur de l'émission, Calrick, un natif de la balance, qui parle aussi vite que tournent les hélices impatientes de l'hélicoptère dans lequel nous sommes. D'une minute à l'autre nous nous envolerons vers une destination inconnue. Il y a trois ans c'étaient les comtés froides de la Frootza. Leur rudesse avait permis aux béliers et aux sagittaires de se démarquer. Je ne parviens pas à me concentrer sur le présentateur. Ses cheveux roux coiffés en piques pointues jurent avec ses yeux verts pales, lui donnant l'air d'un clown malade.
Tout semble me démangeait comme si j'avais été dévorée par des puces de foin dans la nuit.
Quelle nuit d'ailleurs ! Aucun sommeil. Plus depuis le départ de Marial ou alors très peu. Je comprends bien pourquoi les femmes de la capitale m'ont jugé trop vilaine pour les représenter. Certaines ont même exigé que je sois auscultée pour prouver que je suis bel et bien une femelle. Autant dire que j'ai mordu le premier médecin trop culotté qui s'est approché de moi.
En fait, c'est moi la puce.

Je sers mes sacs contre mes pieds en sentant une petite secousse à la sortie du présentateur de l'hélicoptère. Les ambassadeurs sont les seuls à pouvoir disposer d'un minimum de confort. Les natifs n'ont droit qu'à un seul objet qu'ils peuvent garder secret et qu'ils doivent pouvoir porter sur eux tandis que Leo et moi avons trois sacs : un noir contenant couteaux et ustensiles, un gris plus personnel avec assez de sous-vêtements féminins pour les sept filles et des protections pour mes menstruations (les natives n'ont pas leur règle), et enfin le blanc qui renferment les kits de soin et des préservatifs.
Il est en effet assez récurrent que les participants couchent ensemble. Cependant il ne faudrait pas déclencher une grossesse avant la fin de l'aventure. En ce qui me concerne je vais faire des ballons d'eau avec ces préservatifs pour les jeter sur ceux qui rodent trop près.

On décolle enfin. Ça y est. Je peux enfin passer en revue les participants. Pour moi, il ne s'agit pas de suspects mais de potentiels coupables dans le sens où je suis certaine qu'ils sont tous plus ou moins liés à l'assassinat.
L'un d'eux a le sang de ma soeur - et donc mon sang - sur les mains.

L'hélicoptère a été aménagé de sorte à ce que nous soyons face à face sur des bancs, en colonne de sept distribués de manière à faire alterner fille et garçon. Je suis à l'extrémité du banc, au plus loin du pilote, et en face il y a Leo. Toute l'attention se portera sur le prince du Tylistan ce qui devrait me laisser une marge d'inattention pour mener mon enquête.
Il a une sale tête ce prince, contrairement à d'habitude. Le soir du drame, il y a maintenant une semaine, il a été retrouvé dans le jardin du palais, plus précisément dans le bassin aux carpes, flottant inconscient. L'assassin a, semble-t-il, dérobé au prince sa chevalière en or ayant appartenu à son ancêtre Roge. Le fait qu'il ait été séparé du reste de la foule me laisse perplexe, surtout que Leo ne conserve aucun souvenir de la soirée comme il a été assommé et battu. Son arcade sourcilière est toujours gonflée d'ailleurs.
Quelle raclure irait tabasser un prince déjà évanoui pour lui voler un bijou et ensuite le jeter dans une mare ? Pour moi, il ne fait aucun doute que ceci confirme le roi Charles qui tient pour coupable un natif. Je rajouterai même que ça doit être un natif anti-humain.

Des vermines comme ça il en pilule chez les béliers. Leur représentant est à mon opposé, sur le banc de Leo. Seuls ses yeux et sa peau ne sont pas noirs, les uns bleu glace, l'autre pâle comme neige. Son objet essentiel a d'ailleurs été révélé bien vite. Il s'agit d'un lot de dix boîtes de cigarettes qu'il transporte dans sa veste en cuir.
Il n'a pas dit un mot. Je ne peux qu'imaginer sa voix profonde et suave, aggravée par la fumette. Il triture son premier paquet avec nervosité. J'en déduis que c'est un addict. Heureusement qu'il n'a pas besoin de briquet ou d'allumettes puisque le pouvoir des béliers et de produire du feu entre avec leurs mains.
Il apparaît comme le suspect parfait. Je l'imagine bien lutter contre Marial pour la tuer et tenter d'éliminer Leo pour galvaniser ses confrères restés au domaine.