Chapitre II

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Papy Alphonse était en fait un homme assez sombre. Il n'avait pas l'aire d'être heureux. Il était vêtu d'un pantalon noir, d'une veste noire, d'un chapeau haut de forme noir et d'une chemisette violette. Il avait de la couleur, mais le violet, surtout à son époque est la couleur du deuil. Avait-il perdu quelqu'un de cher ? Je n'en savais rien.
Je restais dans ma bulle à penser comment retourner dans les années 1900, d'où je venais, mais je ne savais pas. Je pensais aussi à ma chambre : normalement, j'avais une des plus belles, au deuxième étage, plein Sud, mais dans cette époque de fous, on m'a mis dans la chambre au bois moisi du quatrième étage, et orienté au Nord. J'avais le choix entre me révolter, mais dans cette option, on m'enlèverais ma chambre, et je n'aurais nulle part où dormir ; ou alors, je pouvais me contenter de ce qu'on m'avait donné. Moi qui ait peur de la poussière, comment allais-je faire pour dormir dans un endroit pareil ?

C'était l'heure du dîner. Les conversations tournaient autour du nouveau Roi, ce qui m'ennuyait profondément. Je me revoyais en cours d'histoire, mais au présent ! L'homme qui était avec mon arrière-grand-père dit :

- La Révolution n'a servi à rien, nous sommes revenus en 1780.

- C'est faux, une troisième république sera instaurée dans... quinze ans ? Dis-je d'une petite voix.

- Un enfant ne parle pas à table sans y être invité, surtout pour dire des sottises pareilles, hurla mon ancêtre, comment pourriez vous connaître le futur, vous en venez peut être ?

- Oui, je suis né en 1887

- Quelle audace ! Vous osez me répondre jeune homme. Vous avez de la chance que ma bonté fasse que j'ai pitié de votre folie.

J'avais déjà vu qu'il n'était pas très aimable, mais je ne pensais pas que c'était à ce point. Il fallait que je trouve une solution au plus vite. Je venais d'avoir honte et je détestais la honte. Je n'aimais pas les gens.
Nous étions dans une grande salle, que je ne connaissait pas. Nous mangions dans la partie du château qui avait brûlé pendant la guerre contre l'Allemagne. Il y avait de très grandes fresques avec un plafon recouvert de peintures, c'était une des plus belles pièces du château.

Le repas passait, doucement, lentement ; les discussions étaient ininteressantes, je ne comprenais plus, j'entendais des bruits sourds, je ne comprenaient plus rien, ma tête tournait.

Là un petit garçon, un an environ entra dans la pièce :

- Que fait Pierre ici ? Hurla mon arrière-grand-père

- Excusez moi, monsieur, il est sorti de sa chambre sans autorisation, dit une femme

- Saches que l'on ne s' excuse pas soi même, dans ce monde. Votre classe sociale montre bien votre impolitesse.

- Je vous prie de m'excuser

- Je t'excuse. Va !

Mon grand père, Pierre était né, je le voyais bébé, comme lui m'a vu ou me verra plutôt. Alphonse ne s' occupait pas de son fils, et se permettait de faire des critiques sur ses servantes. Je ne pus m'empêcher de lui demander :

- Pourquoi recadrez vous quelqu'un, alors que vous ne vous occupez même pas de votre fils, mon grand père ?

- Je n'ai pas de fils.

Le Grenier - TOME 1 - Mon arrière grand père AlphonseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant