La femme au coeur Topaze

Chapitre 1 : L'attaque

    Monastère de Lindisfarme, Northumbrie, 8 juin 793

    Des cris sourds. Le bruit des épées qui s'entrechoquent. Des flammes luisaient et créaient des ombres inquiétantes sur les murs. C'est dans un chaos général que dormait une enfant. Elle était allongée dans son lit de fortune fait de paille et de draps en piteux état, dont seuls dépassaient ses longs cheveux bruns cuivrés. Un homme, vêtu d'une simple robe de moine, une torche à la main, entra dans la chambre en catastrophe :

    - Des païens nous attaquent ! Il faut fuir Éléonore ! S'alarma le vieil homme.

   L'homme d'église l'empressa de sortir du lit. Éléonore ouvrit ses yeux émeraudes qui piquaient à cause du manque de sommeil. Elle observa autour d'elle et remarqua les ombres dansantes et les cris des moines qui tentaient de se sauver. Le spectacle s'offrant à ses yeux était horrifiant et lui glaça le sang. Dehors, des hommes barbus avec des haches et des boucliers saccageaient tout, en criant et tuant tous les religieux. Du sang sur leurs armes, des têtes qui roulaient sur le sol, les reliques du monastère entassées au loin. Éléonore était pétrifiée. Le moine venu la sauver, lui prit le bras et la guida vers un mur. Sans pour autant retrouver ses esprits, elle se laissa faire, tétanisée, et ne montra aucune résistance. L'homme s'avança vers un vase posé dans un coin et en sortit un fin bout de bois ainsi qu'un très joli collier doré orné d'une topaze ovale. Il accrocha le collier autour du cou d'Éléonore et lui demanda de le protéger à tout prix. Avec beaucoup de mal, il enfonça le bâton entre deux pierres  jusqu'à entendre l'enclenchement d'un mécanisme qui piqua la curiosité d'Éléonore. La moitié du mur disparut dans le sol libérant un passage secret. Éléonore tenta de voir ce qu'il y avait au bout mais il faisait très sombre et elle fut parcourue d'un frisson. L'obscurité de ce passage ne donnait guère envie d'y entrer. Le moine la pria d'y pénétrer :

    - Fuis avant qu'ils ne te trouvent !

    - Cachez vous avec moi ! Ne me laissez pas seule s'il vous plaît ! supplia Éléonore.

    - Hélas, je ne peux pas ! Tu dois terminer notre voyage seule. Je dois empêcher à tout prix ces barbares de t'atteindre. Emprunte ce passage et il te mènera vers un endroit sûr ! Que Notre Seigneur te guide !

    Tandis que le moine retirait le bâton enclenchant le mécanisme de fermeture, Éléonore le supplia encore de l'accompagner malgré tout. L'ignorant, il tendit sa torche à la jeune fille mais voyant le mur se fermer, elle tenta de rejoindre son protecteur. Ce dernier, décidé, la repoussa et partit juste avant que le mur ne se referme :

   - Adieu Mademoiselle ! 

   Elle se retrouva donc seule, abandonnée, dans cet escalier. Du haut de ses 8 ans, la seule chose qu'elle pouvait faire était pleurer. Elle pleura toutes les larmes de son corps, dans ce couloir glacé, où personne ne viendrait jamais la chercher. Elle pleurait à n'en plus finir, elle avait froid et peur mais surtout elle venait de perdre la dernière personne qui pouvait l'aider. Éléonore était désespérée, en presque deux ans, tous ceux qu'elle aimait n'étaient plus de ce monde. Son père fut d'abord assassiné à Nantes, où tout a commencé. Sa mère craignant pour sa famille, décida de fuir la ville avec ses deux enfants où un moine les guida en direction d'un monastère au nord de l'Angleterre. Seulement en chemin, sa mère perdit la vie. Peu après, son frère, Thomas, disparut à Lunden. Elle pensa alors qu'elle était maudite et que Dieu n'était pas avec elle. Après trois mois de voyage, elle arriva finalement dans ce monastère où, deux jours plus tard, son dernier compagnon de voyage se sacrifia. Elle était seule. Toute seule. Dans ce long tunnel obscur. Sans personne pour lui sourire, la nourrir, la regarder, lui parler, la gronder... Elle était seule.