Le soleil était déjà haut sur la campagne texane, et au supermarché pas cher du coin, Nikolaï se promenait. Il flânait de rayon en rayon, cherchant désespérément ses rouleaux de Sopalin lorsque... enfin ! Cachés derrière une blonde au sourire aussi agréable qu'un coup de pied dans la clavicule, se trouvaient les rouleaux, empilés sous un panneau « réduction ». Il enfila trois paquets sous ses bras de tennisman et s'en alla payer à la caisse numéro trois par carte bleue. Il sortit ensuite de la grande surface pour rejoindre sa voiture et, son sac de course dans sa main droite, il alluma à l'aide de l'autre sa pipe. L'opium embaumait alors la Ford 500. Expirant un petit nuage de fumée en forme de chameau, il jeta négligemment le sac sur le siège passager. Il regarda son sent-bon en forme de testicule offert par l'un de ses oncles... et démarra. Il prit donc la route de chez lui, on était dimanche et il n'allait pas manquer le gratin vegan préparé par sa vieille mamie mourante (chez qui il logeait temporairement). En voiture, il repensa à sa petite vie... À vingt-sept ans, ce jeune petit homosexuel stigmatisé mais aussi mignon qu'un camion n'avait pas de compagnon. Il travaillait dans une maçonnerie avec son ami Pedro. Pedro le connaissait depuis l'école, il l'avait vu pour la première fois alors que ce dernier essayait de tuer un rat. Pedro, c'était un peu l'ami psychopathe que l'on veut tous avoir... mais ces derniers temps, ils se voyaient de moins en moins. En effet Nikolaï avait quitté son travail pour s'occuper de la petite échoppe de disques de sa mamie malade. Grand fan de musique, ayant lui même joué de la flûte au collège, il était devenu un expert en peu de temps. Dans sa famille avait vécu de grands musiciens. Son arrière-grand-mère russe avait été une violoncelliste très appréciée de Lénine, mais sa famille avait fui l'ex-URSS. Ses grands-parents étaient partis très jeunes après quelques années de l'horrible Staline au pouvoir. Son grand-père unijambiste, fan de cow-boy avait choisi le Texas, et à peine arrivé avait dépensé toutes les économies familiales pour un tour de rodéo. Mais n'ayant qu'une jambe, il était tombé de son destrier et s'était fait piétiner à mort par ce pur sang. La scène avait été très violente, son grand-père, d'après les photos, ressemblait alors à une compote pomme-poire-cassis mal moulinée. Mais heureusement, sa famille put revendre son chapeau qui lui, était intact ! C'est ainsi que sa mamie, avec ce peu d'argent, put faire des petits-boulots et ensuite engendrer le père de Nikolaï.
Père qui avait épousé une femme, une belle française qui était donc devenu sa mère ! Mais ils étaient partis il y a de ça quelques années en voyage d'avion, leurs premières vacances, mais l'avion s'était perdu en plein milieu de l'Atlantique, provoquant la disparition de toute sa famille excepté sa grand mère. On avait découvert plus tard que le pilote était aveugle et manchot... n'ayant frère ni sœur, Nikolaï était désormais seul au monde, sans être abattu il avait repris confiance en la vie et était allé de l'avant, aidant sa mamie malgré son odeur corporelle proche du poisson pourris dû à sa maladie, et malgré sa sympathie égalant une personne pas très très cool.La voiture s'arrêta alors devant la maison de sa grand-mère et Nikolaï descendit, sac à la main, afin de sonner à la porte. Son doigt appuya sur l'interrupteur machinalement, et bientôt un « oui ! » lointain fit écho, lui permettant de pousser la porte qui fit retentir le rideau de perles fixé au dos de celle-ci. Lorsqu'il sentit l'odeur sucrée qui flottait dans l'air, un sourire naquit au coin de ses lèvres. Il avait grave la dalle. Ses jambes le menèrent automatiquement à la cuisine, où mamie Nadejda lisait un vieux magasine de mots croisés un peu pété, assise confortablement – de toutes façons elle n'avait pas le choix, elle était en fauteuil roulant depuis cinq mois – devant la table où trônait un clafouti fumant.
« Alors gamin, y a eu des clients aujourd'hui ? lança la vielle en voyant son petit-fils arriver.
-Oui, y en a eu deux-trois. »
Nikolaï se laissa tomber sur une chaise en échappant un soupir.
« T'as fait les courses ? demanda à nouveau Nadejda Vodoleïev en désignant de son petit crayon Scooby-Doo (récupéré dans un de ses autres vieux magasines pétés) le sac plastique traînant aux pieds du jeune homme.
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Nikolaï
HumorL'histoire d'un communiste maçon vendeur de disque vivant aux usa, le pays de l'impérialisme, et de son amour avec Joseph, un petit stagiaire au boule qui chamboule.