2 : Eau de rose

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Nous nous sommes rendus compte de notre amour réciproque. Il avait passé un temps fou avant que réflexion soit faite, un temps encore plus long avant que sentiments ne soient annoncés.

Nous étions le genre à rigoler face aux plaisanteries de nos amis.
"Les amoureux", "le couple du siècle" "les deux M" ; tout y passait dans une déferlante de bonne humeur et dans un regard que nous croyions d'amitié fraîche.

Je me sentais simplement en une aisance grande avec toi. Tranquillement, je te faisais part de mes soucis et de mes joies, puis toi de même ; tout était si coordonné et simple que nous ne nous doutions pas un seul instant de l'état chamboulé de nos cœurs.

Mais, l'information m'est enfin montée à la tête lorsque, à quelques jours de la Noël, tu rentras en Russie pour célébrer la fête en famille.

Pendant ce laps de temps, tu étais si prisé que tu ne répondais pas à mes messages, la plupart du temps, et ta voix, tes mots, ta présence me manquaient énormément.

Je me surprenais à observer sur des images ton visage pâle, tes lèvres roses, seule couleur vive dans tout cet art qu'est ta face, la longueur de tes cheveux platine que je demandais sans cesse.

Et là, Rosa m'a fait comprendre ce sentiment étranger.

— Elle est amoureeeeuse ! s'était-elle exclamée dans ce café, à seize heures, d'une voix suffisamment forte pour que tout le monde en saisisse le sens.

— Non...

— Si... c'est magnifique ! Les deux M !

Mais j'avais une peur bleue de l'amour car, tel qu'il m'était explicité, ce paisible fleuve aux reflets orangés et rosis pouvait très bien se transformer en une eau torride et déchaînée dans le petit cœur. Il était incertain, douloureux, massacrant en même temps que doux et fait de passion.

Il fallait que je t'oublie avant que cette maladie ne s'aggrave.

Mais lorsque tu es revenu, ton sourire et la folie habituelle sur ton aura, mon cœur s'est emballé et de peu, je me serais enfouie dans le sol.

Je n'ai pas parlé depuis l'aéroport et je te sentais tout aussi tendu qu'une corde de guitare.

Une fois chez toi, avec tes tonnes d'affaires - tu étais un adepte du shopping - nous avions pris du chocolat fumant devant la télévision. Tu as commencé un discours que tu voulais sérieux, mais qui resta hilarant :

— Maggie je voulais te dire que nous sommes de très bons amis toi et moi, et je ne veux pas que ça se gâche. ( À cet instant, j'ai supprimé tout désir de t'avouer mes ressentis ! ) Mais, tu sais... euh comment dire... Il y a un charmant enfant qui s'appelle hum, ( tu t'es râclé la gorge ) Cupidon, et il est très très actif !

Tu commençais à me faire rire. Pourtant, tu étais plus stressé qu'un marin lors d'une grosse tempête.

— Et il est tellement actif qu'il a réussi à rendre un jeune homme totalement fou !

— Qui ?

— Jérôme.

J'avais envie de bouder toute la soirée ; que venait faire Jéjé dans cette histoire ?

— Sérieux, je ne veux pas que tu te fâches, avais-tu repris plus sérieusement.

— Je ne me fâcherai pas.

— Je ne veux pas que tu m'insultes, ou que tu partes.

— Non !

— Voilà, je veux même pas que tu me dise non !

J'ai ricané, mais cette fois, d'anxiété. Je sentais la déclaration venir et bien évidemment, je ne me sentais pas prête.

— En fait... C'est moi qui ai été frappé par ce fou de Cupidon et... au final... c'est toi que j'aime. Voilà. Tu peux me frapper et me traiter de sale idiot, je suis preneur.

J'étais... complètement statufiée par la réalité, et toi, la honte te couvrait jusqu'à la moelle. Mais sûrement, tu levas ton visage vers moi, juste dans le but de savoir quelle émotion s'étendait sur ma figure ronde.
Tu étais entre deux eaux et pour éviter d'éterniser ce mal-être, je pris mon courage à deux mains pour t'avouer :

— Je pense ressentir la même chose pour toi aussi, mon renard des neiges, avec en compensation un clin d'œil venu de lui-même.

Un large sourire, énorme comme un croissant de lune, étira tes lèvres et tu te mis bêtement à rire. Je t'ai suivi dans ton élan, rigolant sans raison, puis nous nous sommes levés, avons dansé jusqu'au retour de ton oncle. Pas de premier baiser.

C'était si original cette manière de débuter une nouvelle relation.

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