12. Antonin n'est pas un magicien

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NOUS FÎMES HALTE À LA NUIT TOMBEE, le trajet avait été quelque peu éprouvant – en particulier pour moi – et même si Charlie donnait l'impression de pouvoir continuer sa marche rapide pendant des heures encore, il eut l'air également soulagé de faire une pause. Nous étions comme assis en un petit cercle, nos sacs au milieu. Je comprenais cette expression – pas si imagée en fin de compte – prétendant que les sans abris détenaient toute leur vie dans leur sac.

Charlie n'avait qu'une gourde vide et des emballages de biscuit à nous proposer mais Alia et moi avions fait le plein de provisions la veille. Nous mangeâmes sans plus de cérémonie avant de déplier nos sacs de couchages. Notre nouveau compagnons souligna notre ingéniosité – ou plutôt celle d'Alia – lui même n'avait qu'une petite couverture pour supporter la froideur nocturne. Je grimaçai en me rappelant très bien l'engourdissement de mes muscles au petit matin après avoir gelé toute la nuit.

__ Je n'ai toujours pas répondu à votre question, excusez-moi...

Je devins brusquement attentive alors que je vis Alia se redresser légèrement pour ne pas perdre une miette des aveux de l'homme.

__ En réalité, ma copine, avait pour ambition de les rejoindre, elle était attachée aux idéaux des sauvages et voulait les suivre à tous prix. Seulement... Je n'ai pas voulu l'accompagner. Elle m'avait proposé de fuir avec elle ce monde mais je n'ai pas osé. Lorsque je me suis rendu compte un matin qu'elle avait bel et bien disparu pour rejoindre ces gens, je n'ai pas supporté de la laisser filer.

Une boule se forma dans ma gorge alors que je me glissais dans mon sac de couchage. Je serrai les dents et fermai les yeux. Au fond de moi, j'étais jalouse de cette attention que Charlie portait à celle qu'il aimait. C'était un sentiment étrange et renforcé par la certitude que quoi qu'il arrive, Martin, lui ne m'aurait pas suivie. Mais au fond, tout était parfaitement logique, nous n'étions que des connaissances, peut-être pas même des amis.

__ Noah ? Tu dors?

Je ne répondis pas à la charmante voix d'Alia.

__ Je crois qu'elle était très fatiguée ! Dis, Charlie, comment elle s'appelle ton amoureuse ?

__ Léone.

__T'inquiète pas, je suis sûre qu'on la retrouvera et qu'elle sera vraiment heureuse que tu sois venu la retrouver !

__ Merci, Alia !

Je n'entendis alors plus que des bruits de tissus et me fis bien vite happer par le sommeil.

***

LE CHANT INFERNAL DES OISEAUX me réveilla de bon matin en même temps que les premiers rayons du soleil qui me firent regretter les deux pulls que j'avais enfilés pour me protéger du froid de la nuit. J'ouvris les yeux avec difficulté sur le visage d'un garçon inconnu penché vers moi. Je poussais le cri le plus mémorable – et pitoyable – de mon histoire.

D'un réflexe presque reptilien, le garçon au sourire provocateur recula de deux mètres avant de grimacer en se bouchant les oreilles.

__ Raaah mais au secourt, tu m'as percé les tympans espèce de psychopathe !

J'ouvris la bouche sous l'effet de l'étonnement. Non mais quel toupet ! Mon cœur – suite à cette frayeur matinale – battait à milles à l'heure et je tentais de respirer lentement pour me calmer.

__Qu'est-ce qui se passe No' ?

Alia, à côté de moi, se frottait les yeux comme une enfant. Près d'elle, Charlie se redressa bientôt également avant de me regarder d'un air interrogateur. Je pointai le garçon du doigt.

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