2 - Lena

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 Dans l'avion, Anna ne mit pas longtemps à s'endormir. J'avais du mal à comprendre comment elle faisait, pour être aussi sereine dans un moment pareil. Sa sœur venait de mourir, et elle ne montrait aucun signe de tristesse, de dévastation. Pourtant, je savais à quel point elles étaient proches, même si ça n'avait pas toujours été le cas. Mais je le voyais bien, avant. Elles s'appelaient au moins une fois par semaine, se racontant leurs vies et pestant sur leur mère. Mais Anna avait toujours été celle qui fuyait le moindre conflit, la moindre émotion négative. C'était une sorte de façade qu'elle avait érigé autour d'elle-même, comme pour se protéger. Et je ne me demandais bien depuis quand elle faisait ça.
Une heure de passée, encore six à subir dans cet engin volant. Je ne parviens pas à penser à autre chose qu'à la lettre dans ma poche. Je dois trouver un moyen d'avancer, comme l'a dit ma mère, mais je ne parviens pas à m'imaginer en train de me réveiller un matin et de vivre ma vie. Et quelle vie, au juste ? Je viens de la laisser à Brooklyn, et maintenant, je suis censée en trouver une autre en Californie ? J'ai déjà eu du mal à me faire des amis ici. Je suis du genre timide... j'aime être seule, ça ne m'a jamais dérangée, et puis, j'avais toujours Maman.
Stop. Je dois arrêter de penser comme ça. C'est l'occasion de changer, ou au moins d'essayer, pendant un moment. Je serai probablement de retour à New York en automne, de toute façon. J'étais une élève brillante au lycée, et j'ai obtenu une bourse complète pour Columbia. Je voulais rester près de la maison, alors je n'ai même pas eu à hésiter quand j'ai reçu les réponses positives de mes choix de secours. J'ai également été acceptée à UCLA, mais je n'avais jamais considéré ça comme une option. C'était la dernière sur ma liste, même si c'était une très bonne école. Mais maintenant ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. La maison me manque déjà, mais je n'ai personne ici. Plus maintenant. Et Anna ne vit pas très loin de Los Angeles... même si j'aime être seule, ma famille a toujours été une constante dans ma vie. Je détesterais être loin d'elle, à présent, je le sais. Je sens qu'elle va devenir la personne la plus importante de ma vie à présent, bien plus qu'elle ne le fut jamais.
Et je sens aussi qu'elle n'en a aucun idée. Elle n'a que 26 ans, et elle est mariée à son boulot. Elle n'a jamais pensé à avoir d'enfants, et elle dit toujours qu'elle n'a pas besoin d'un homme pour être heureuse. Elle est un peu solitaire, comme moi, même si elle est beaucoup plus douée avec les gens. Elle est agent, elle représente des gens célèbres dont je n'ai jamais entendu parlé. Sa vie doit être tellement intéressante, comparée à la mienne. Je ne sais même pas encore ce que je veux faire de ma vie.

Alors que je la regarde dormir, j'essaie d'imaginer ce que ça pourrait être de vivre avec elle. Je ne suis pas ce genre de fille dont on doit s'occuper en permanence, je sais me débrouiller et je ne cherche pas forcément la compagnie des autres en générale. Peut-être que ce sera comme si je n'étais pas là, pour elle. J'espère qu'elle ne va pas se mettre en tête de devenir un parent, parce que ma mère n'a jamais vraiment eu à le faire. J'ai toujours été très facile à vivre, même quand j'étais plus jeune. Et puis, j'ai dix-huit ans, maintenant. Je peux faire ce que je veux, même si ça a toujours été le cas, en quelque sorte...

Il faut que j'arrête de penser autant. Tout ira bien. Je vais juste passer l'été en Californie – ce qui, soit dit en passant, n'est pas une mauvaise chose du tout – et puis j'entrerai à l'université en automne, et je repartirai de zéro. Je serai la nouvelle Lena Anderson. Je n'ai pas le choix, de toute façon, n'est-ce pas ?

Je fini par me fatiguer toute seule avec toutes ces pensées virevoltant dans mon esprit, et je m'endormis. Quelques heures plus tard, je sentis quelqu'un me secouer doucement l'épaule, et j'ouvris les yeux. Anna me sourit poliment, m'informant de notre atterrissage imminent. Déjà ? J'ai l'impression d'avoir fermé les yeux il y a seulement cinq minutes ! J'attachai ma ceinture quand le voyant lumineux s'alluma, et me préparai à l'atterrissage. La dernière fois que j'avais pris l'avion, c'était lorsque ma mère avait décidé de rendre visite à sa meilleure amie d'enfance au Texas. C'était les seules vacances de ma vie, et ce week-end était inscrit parmi mes meilleurs souvenirs avec elle, même si je suis repartie avec un bras dans le plâtre lorsqu'un cheval s'était énervé et m'avait heurté le bras avec son sabot arrière. Plus jamais je ne me suis approchée d'une de ces bêtes depuis.

Write me a love song [En correction]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant