Chapitre 2 : la Polka des débutants

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« La poésie est à la prose ce que la danse est à la marche », John Barrington Wayne

Lundi matin le ciel était voilé. Blanche se tenait débout devant les portes fenêtres, une tasse de thé lui brulait la main et sa robe de chambre grise tombait sur son étroite silhouette. Seule dans la salle à manger elle regardait le ciel gris, un sourire impressionné se dessinant sur son visage. Elle admira les nuages menaçants et vint placer sa main libre sur sa bouche pour s'empêcher de rire. Elle secoua sa tête doucement comme pour mieux accepter sa défaite. Elle remonta ses lunettes sur son nez et entendit des petits pieds courir vers elle.

— Oh ! Il ne fait pas beau. On ne va pas pouvoir aller à la plage.

Oriane avait parlé d'une petite voix infiniment déçue pourtant Blanche éclata de rire. Un vrai rire, que l'on ne contrôle pas et qui nous fait mal au ventre. Un rire enfantin dont les adultes se méfient et redoutent car il est terriblement contagieux et à tendance à les faire paraitre idiots et mal élevés. Un rire sonore, communicatif et qui continue de résonner dans la pièce bien après que l'on ait fermé la bouche. Blanche se calma et se retourna vers sa demi-sœur qui la fixait de ses grands yeux. Cette dernière ne sembla pas voir l'ironie de la situation et arriva à la conclusion que Blanche se moquait d'elle. Elle partit, vexée, retrouver ses parents.

La jeune femme regarda le ciel, fascinée à l'idée de la pluie. Ce moment d'inattention lui valut une demi-tasse de thé renversée sur la main. Blanche jura et puis releva la tête pour vérifier que personne ne l'avait entendu. Elle posa sa tasse dans l'évier et monta dans sa chambre. Avant d'y parvenir elle entendit un rire léger dans la pièce voisine. Se sentant courageuse, peut-être dû à l'emportement vécu plus tôt, elle jeta un œil par la porte entrouverte et trouva Archimède, en pyjama et à quatre pattes devant la maison de poupée avec Oriane. La confusion envahit l'esprit de Blanche. Que diable faisait-il ? Elle regarda par terre, cherchant un verre brisé ou un timbre égaré qui expliquerait la position de son père. Car, que pouvait-il faire d'autre que chercher quelque chose de perdu dans cette position. Si Blanche avait connu l'enfance, elle aurait sans doute réalisé que son père jouait avec Oriane, mais bien que futée, la jeune fille demeura plongée dans l'étrange lac opaque qu'était son esprit. Elle aimait cette vision d'elle-même, perdue en mer et réalisa amèrement qu'elle était née vieille et n'avait jamais pensé à rajeunir.

Elle monta dans sa chambre, troublée. Elle s'habilla, perplexe. Elle redescendit, morose. Son père l'appela et elle se demanda s'il jouerait avec elle si elle s'agenouillait devant la maison de poupée. Ses pensées furent interrompues.

— Blanche, veux-tu bien m'honorer de ta présence. J'ai oublié de faire le plein d'essence hier soir.

Ce n'était pas une question. Avec Archimède ce n'en était jamais une.

Un hochement de tête plus tard elle se tenait assise dans le siège passager du break, son sac polochon à ses pieds. Le parfum de Soraya l'empêchait de respirer et elle tira sur sa ceinture, essayant de dégager sa gorge. L'odeur étouffante ne semblait pas déranger son père qui parlait, une fois de plus de son avenir. A le voir émettre des hypothèses, Blanche se demanda si lui offrir une boule de cristal lui aurait fait plus plaisir que le cendrier qu'elle avait choisi pour la fête des pères quelques mois plus tôt. Elle l'écouta d'une oreille jusqu'à ce qu'un assemblage maladroit de mots sorte de sa bouche.

— Je te connais Blanche, tu ne veux pas te retrouver coincée dans un métier...

Elle n'entendit pas la fin de cette phrase.

Je te connais Blanche.

Je te connais

Je. Te. Connais.

La valse des coussinsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant