Chapitre 1

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— Clarke, debout, tu vas être en retard à l'école, chérie !

Clarke Griffin sursauta et manqua tomber de son lit. Elle se redressa en marmonnant, rejeta les couvertures puis se leva. Son réveil avait sonné, elle l'avait parfaitement entendu, mais à peine l'avait-elle arrêté qu'elle s'était rendormie. Heureusement pour elle, sa mère veillait au grain et ne partait jamais au Centre Médical avant que sa fille ne soit levée, au moins.


Se traînant dans la salle à manger, Clarke s'assit devant son petit-déjeuner et grimaça. Des galettes de céréales compactes à souhait et du thé. C'était tout et c'était comme ça tous les matins. Il n'y avait qu'à Noël qu'elle avait droit, ainsi que toute l'Arche, à quelque chose qui sortait de l'ordinaire, une friandise ou même un vrai fruit. Mais le reste du temps, c'était des sachets de nourriture déshydratée sous vide, infâmes, mais qui avaient le mérite de contenir tous les nutriments nécessaires pour le bon développement d'un corps humain dans l'espace, faute de Vitamine D pour fixer le Calcium et autres substances qu'on aurait normalement en vivant sur la Terre.

Clarke tourna la tête vers la seule fenêtre de la pièce. C'était plutôt un hublot, concave, et actuellement, il n'y avait rien de visible de l'autre côté. En effet, la Terre se trouvait à l'opposé des appartements de la famille Griffin, mais grâce à la lente rotation de l'Arche, ce qui pourvoyait le vaisseau en gravité, chacun pouvait admirer la Terre au moins une fois dans la journée.

— Clarke, allez, secoue-toi un peu !

Clarke sursauta et regarda son père, Jake Griffin, Ingénieur en Chef à bord de l'Arche. Comme son père, et son grand-père avant lui, il avait en charge toute la maintenance mécanique de la station orbitale. Il s'ingéniait à réparer les pièces cassées, mais surtout à trouver des solutions pour faire fonctionner des appareils sans lesdites pièces cassées qui parfois étaient irréparables.

La station avait bientôt cent ans, après tout, et elle accusait ses années par endroit. Certaines sections avaient été scellées et attendaient depuis plusieurs années qu'on les répare, mais les pièces manquaient, faute de matériaux pour les refaire, aussi elles ne seraient sans doute jamais réparées.

Clarke avala son petit-déjeuner puis alla se débarbouiller et souhaita une bonne journée à ses parents. Il était huit heures du matin et elle devait traverser toute la station pour se rendre à l'école, ce qui n'était rien comparé à d'autres élèves qui devaient parfois traverser toute l'Arche d'un bout à l'autre.

Au début, chaque station avait son école, souvent juste une petite pièce avec des tables et des chaises, mais petit à petit, toutes les classes avaient été rassemblées au même endroit, dans un ancien entrepôt désaffecté d'Alpha, la plus vaste des stations, qui avait contenu des vivres et du matériel.
Depuis tant d'années, il y avait de nombreux endroits totalement vides comme ça dans la station orbitale et c'était très souvent le repère des jeunes qui n'allaient pas ou plus à l'école.

Pour son grand malheur, Clarke devait d'ailleurs passer devant l'un de ses entrepôts pour se rendre dans sa classe, et oui, il y en avait aussi sur Alpha, ces zones pullulaient de voyous. Si elle faisait le même chemin depuis l'âge de six ans, l'âge auquel l'école devenait obligatoire, elle n'avait pas le souvenir qu'à l'époque, l'endroit était aussi louche...

Heureusement pour elle, elle n'était jamais seule. Lucia, sa meilleure amie, qui vivait elle aussi sur Alpha, dans un appartement du couloir voisin du sien, et Wells, son meilleur ami, le fils du Chancelier Jaha, l'accompagnaient quasiment partout.

— Clarke !
— Lucia, Wells ! Salut les gars. Ça va ce matin ?
— Ça ira mieux quand on aura passé ce contrôle de maths, dit Wells.
— Parle pour toi, t'es une tête en maths... bougonna Lucia. Je n'ai jamais aimé ça, ma mère est une intellectuelle des lettres, elle, elle écrit les livres qu'on lit avant d'aller dormir, et mon père, lui, les dessine... On ne fait pas de calcul chez moi...

Clarke sourit. Les parents de Lucia avaient un travail pas franchement compliqué et ils ne sortaient quasiment pas de chez eux. La mère de Lucia était douée avec les mots et elle réécrivait tous les livres de l'Arche dès qu'ils commençaient à fatiguer. Les originaux apportés par les ancêtres étaient alors déplacés et soigneusement conservés dans des caisses à l'abri de la poussière et de la lumière. Le père de Lucia, lui, dessinait et illustrait tout et n'importe quoi, mais surtout les manuels de survie, de savoir-vivre, et les livres pour enfants.

— Entrez vite !

Clarke leva la tête et fronça les sourcils. Au bout du couloir, un groupe de garçons leur barrait le passage, sans le vouloir toutefois. Ils discutaient entre eux en rigolant et quand le trio s'approcha, ils se turent et disparurent par une porte sur la gauche du couloir.

— Des voyous, dit Wells en grimaçant. Mon père leur fait la chasse, vous savez ?
— Pourquoi ? S'ils ne font rien de mal, pourquoi les pourchasser ?
— Parce que l'Arche ne peut pas se permettre d'héberger des gens qui se tournent les pouces, dit Clarke. Tout le monde doit travailler et justifier de l'air qu'il consomme. C'est comme ça.

Lucia marmonna puis ils tournèrent tous trois au coin du couloir et entrèrent dans une grande salle séparée par des parois mobiles.

Il y avait tous les niveaux dans cette pièce, et un enseignant par niveau. Cela allait du primaire au lycée en passant par le collège. Tous les mercredis, il y avait aussi, pour les filles, des cours de couture et pour apprendre à tenir une maison, et pour les garçons, des cours de mécanique, principalement, même si la moitié d'entre eux n'était pas vouée à devenir des techniciens.

Clarke détestait les cours de couture. Elle se piquait toujours les doigts, se coupait, ou bien faisait des nœuds dans ses fils, ou des coutures tordues. Elle estimait que savoir refermer un trou ou recoudre un bouton était le minimum à savoir avant de se marier, qu'il était inutile d'apprendre à raccommoder un pantalon déchiré au fondement, ou des chaussettes usées jusqu'à la corde.
Cette matière était néanmoins primordiale sur l'Arche car il n'y avait pas de quoi fabriquer de nouveaux vêtements. Tout était recyclé et dès qu'un bébé grandissait, par exemple, sa mère donnait au Centre de Tri les vêtements trop petits qui étaient lavés, reprisés, puis donnés à une autre maman avec un bébé en bas âge, et c'était ainsi de suite jusqu'à la fin de la vie du vêtement, ou de la personne.
Une fois, Clarke avait demandé à sa mère où était la sienne et Abigail Griffin, Abby, lui avait répondu qu'une fois les personnes devenues trop âgée pour travailler, elles étaient « réduites ». Du haut de ses sept ans, Clarke n'avait pas compris ce que cela voulait dire, et puis en grandissant, elle avait fini par l'apprendre et par comprendre pourquoi il n'y avait aucune personne autour d'elle avec le visage tout ridé et des cheveux blancs moutonneux... comme dans les livres d'histoires.

— Vous avez deux heures, soyez précis dans vos détails et ne raturez pas, si possible.

Clarke regarda son enseignante. Elle s'appelle Sonja et avait les yeux bridés et les cheveux blonds très clairs. Elle était grande et très fine et beaucoup de garçons la regardaient avec avidité. Clarke, elle, s'intéressait plutôt à l'enseignant de langues, un homme d'une trentaine d'années, musclé, la peau basanée, les yeux bleus...

On déposa soudain une feuille de papier sous son nez et la jeune femme sursauta. Elle regarda son enseignante puis attrapa un crayon à papier et se mit à répondre aux questions.

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