Le voyageur

[8] Froid

« Les âmes froides se rassemblent ; les coeurs brûlants s'isolent. »
Xavier Forneret

« - Froid..J'ai..j'ai froid.. »

Il ne ressentait rien sinon le froid qui l'assaillait de toutes parts. Juste cette sensation de brûlure, ce moment où l'on dépasse ce sentiment de froid, ce moment où le vent nous glace le sang mais nous brule en même temps. Le jeune homme s'était vaillamment battu avant d'atterrir au bord de ce fossé qui sépare les vivants des morts. Mais la vaillance n'empêche pas l'arrivée de la mort , et pas à pas elle s'approchait de lui.

La nuit commençait à tomber sur Nuwa quand le voyageur traversa la frontière qui séparait le monde des vivants de celui des morts. Il pensa alors au frère de cette petite fille, pourquoi était-il parti? Que pouvait-il bien chercher dans ces terres désolées? Peut-être risquait-il sa vie pour les richesses de l'ancien royaume? Oui, surement, c'était cela. C'était pour sa soeur.

Il ne savait pas où passer la nuit car ne s'étendait devant lui que de vastes étendues de neige. Des plaines d'un blanc pur qui ne pouvaient l'effrayer. Seulement, il n'y avait que ce blanc à l'horizon, pas de végétation, pas de vie. Juste un froid glacial. Quitte à passer une mauvaise nuit, le voyageur ne s'arrêta pas. Une nuit de sommeil en moins ne le tuerait pas, n'est-ce pas?
Alors il s'avança dans l'immensité de ces terres de neige. Et plus il avançait, plus le vent se faisait fort et plus le brouillard s'épaississait, le piège se refermait sur lui. Il ne s'arrêterai pas pour autant, et il continua son chemin, pas après pas. Crac, un bruit de cassure parvint doucement du dessous de ses pieds à ses oreilles. Il souleva alors son pied et vu le crâne d'un homme, enfin ce qu'il en restait, il sursauta et trébucha sur celui ci. De nouveau, il y eut un crac, un autre mort pensa-t-il. Et il recula, au sol et paniqué pour s'éloigner de ceux là, mais de nouveau crac et encore crac. Il y en avait partout, un putain de cimetière se dit-il. D'un bond, il se remit debout et après de longues respirations, son sang froid le regagna. Il s'enfonça alors au coeur de ce foutu cimetière, des milliers de questions en tête. Qui les avait tués?

Son esprit était ailleurs mais ses jambes par automatisme continuaient de se mouvoir. Il pensait, des tonnes de pensées traversaient son esprit, un tel flot qu'il ne vit pas le ravin. Son pied passa dans le vide et il chuta la tête en avant. Par chance, il tomba seulement quelques mètres sous lui, là où un petit balcon s'était formé. Il était là, à même pas un mètre du vide et de la mort, le coeur qui tapait tel un fou prisonnier de sa cellule. Il de dépêcha alors de se reculer le plus loin du bord et s'aperçut qu'aucun mur ne se trouvait derrière lui mais à la place, l'entrée d'une sombre grotte. Il sortit un bout de bois entouré de tissu de sa besace et par je ne sais quel moyen, il prit feu. Il descendit alors dans la grotte éclairé par sa faible torche. Et plus sa descente l'emmenait au plus profond de la falaise, plus le froid s'emparait de lui. Tout d'abord, ce n'était qu'une légère brise mais celle ci s'intensifia à tel point que les cheveux du  voyageur se trouvèrent glacés.

Pourtant, arrivé en bas de la grotte, il ne trouva  qu'un lac, un petit lac. D'où venait alors ce grand froid?
Il se pencha alors au dessus de l'eau, il vit d'abord son reflet, puis l'eau commença à se troubler, des ondes firent trembler tout le petit lac. Une main couverte d'écailles sortit de l'eau l'agrippa au cou pour le plonger dans le lac.

Des bulles éclatèrent quelques instants à la surface avant que seul le bruit du vent ne puisse se faire entendre.

Dehors à quelques mètres derrières les épais murs qui les séparaient se trouvait un garçon seul et agonisant. Au pied de quelques arbres, il attendait son heure.