Chapitre 2

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"Il ne faudrait pas que tu sois trop dur avec tes élèves le premier jour Nicolas, il est mauvais de faire mauvaise impression le premier jour."
Nicolas n'écoutait sa mère que d'une oreille peu attentive. Il ne comprenait pas qu'elle soit plus préoccupée par sa rentrée que lui-même. Il est vrai qu'elle approche à grands pas, mais ce n'est pas comme s'il n'avait jamais été confronté à une classe. Après onze ans passés à travailler dans le collège d'une banlieue parisienne, il a décidé de changer d'établissement. Les collégiens commençaient à le lasser. Ils manquaient de réflexion et de la maturité nécessaire pour avoir un vrai dialogue. Pourtant il les aimait vraiment beaucoup ces collégiens, simplement il avait besoin de connaître quelque chose de nouveau. Il voulait voir s'il y a réellement cette différence entre le collège et le lycée au niveau de l'enseignement. Peut-être que le lycée serait encore mieux que le collège après tout.
Il avait également ce besoin de tirer un trait définitif sur sa vie d'avant. N'y arrivant pas sentimentalement parlant, il pouvait au moins tenter ce changement de vie professionnelle. Il se doute qu'il se berce dans des illusions et qu'il n'aura cette impression de changement que pendant quelques semaines, voire quelques mois avec un peu de chance. Nicolas sait pertinemment que sa vie reprendra une routine, pénible ou non. En attendant, il lui reste certaines choses à mettre en ordre.
"- ... première journée de quatrième mon prof de maths avait laissé sous-entendre qu'il préférais faire cours aux personnes blanches qu'aux personnes de couleurs prétextant une différence d'intelligence, alors étant donné que mon collège était réputé pour être un collège où on retrouvait de tout il s'est très vite retrouvé avec plus de la moitié du collège à dos. Si bien qu'il a du démissionner. C'est fou comme quelques mots ont eu un impact décisif sur sa carrière dans le collège, qui a été très courte si on y réfléchit bien. Ça me rappelle ma prof de musique en troisième qui ...
- Maman ?
- Nicolas, je parle enfin ! Il faut toujours que tu me coupes la parole. On ne passe que peu de temps ensemble et le peu que je te raconte ne t'intéresse même pas! C'est quand même dingue. Ça ne fait que trois petites heures que l'on discute et tu trouves le moyen de me couper!
- Maman, désolé mais il va falloir que je rentre chez moi. Il me reste quelques cartons à défaire et la rentrée à organiser. En plus j'ai mal à la tête alors il est quand même préférable que je rentre chez moi. Tu me raconteras tout ça quand on se reverra d'accord?"
Sa mère fit sa moue boudeuse qui ne l'a jamais vraiment quitté selon les souvenirs de Nicolas. Du mieux qu'il se souvienne, il lui arrivait déjà de faire cette tête quand il lui annonçait qu'il ne dînerait pas avec elle le soir. Il la rassura alors :
-" Je te promet de revenir te voir dès que je peux. Mais tu comprends qu'après un divorce on met du temps avant de pouvoir trouver une routine stable et surtout du temps.
- Le temps tu est censé l'avoir maintenant que tu n'a plus à céder au moindre caprice de ta pouffe blonde !"
Nicolas serra les dents, il détestait quand sa mère parlait de sa femme de cette façon. Sa femme qui est maintenant son ex-femme et qui est fiancée à un autre homme tandis que Nicolas espère toujours qu'elle lui revienne.
-" Je pense que je ferais mieux d'y aller maman, on se voit bientôt.
- C'est ça oui !"
Agacé, il embrasse rapidement sa mère, récupère ses affaires et quitte avec hâte sa maison.
Une fois dehors, il inspira un grand coup avant de monter dans sa voiture. Ces derniers temps, toutes ses "conversations" avec sa mère se terminent ainsi. Il trouve que sa mère parle un peu trop et se mêle de choses qui ne la regardent pas le moins du monde. Quand elle se met à parler de Maëlle, il préfère s'abstenir de tout réponse de peur d'être blessant. Sa mère n'a jamais vraiment aimé Maëlle, elle lui trouvait un air hautain. Elle disait souvent qu'elle lui volait son fils et que c'était inadmissible qu'une mère soit privée de son fils. Fils qui a quand même trente-neuf ans. Cela lui plaisait à Nicolas de se détacher un peu de sa mère. Il aime sa mère plus que tout au monde, mais parfois elle est trop intrusive.

Le chemin du retour fut long. Il paraissait même interminable pour Nicolas. Les embouteillages n'en finissaient plus, une moto était passée au moment où Nicolas se rabattait sur le coté. "Imbécile" avait-il crié. Il était a deux doigts d'y passer et de faire de Nicolas un assassin ce qui serait impensable. Pour couronner le tout, un orage a éclaté sur l'autoroute poussant les gens à ralentir encore plus. Il était finalement arrivé chez lui deux heures plus tard, détrempé. 

Son appartement qui n'est déjà pas très grand était jonché de cartons, d'emballages vides, de papier journal et d'un couche assez épaisse de poussière. N'ayant pas la motivation nécessaire pour ranger tout cela et faire le ménage, Nicolas se dirigea sur son balcon, heureusement protégé de la pluie. Il alluma une cigarette et s'installa dans une chaise en plastique peu confortable. Il observa le vue peu attrayante que lui offrait son balcon: des bâtiments en construction, des poubelles pleines et une rue souillée de papier et de tout autre déchet. Les voitures klaxonnaient sans arrêt et une course poursuite eut lieu. 

Nicolas observait les gens dans la rue qui couraient sous l'orage. Il leur imaginait une destination, imaginait leur situation familiale et amoureuse. En voyant une jeune femme bien apprêtée avec un parapluie noir courir, il se dit qu'elle se rendait probablement à un rendez-vous galant. Ou peut-être simplement à un dîner d'affaires. Un homme vêtu d'un survêtement et d'une capuche marchait de façon rapide et se retournait souvent avec l'air de ne pas vouloir être suivit. Il allait probablement faire ses affaires très peu légales dans le quartier qui se situe à deux rues d'ici. Nicolas remarqua une dame âgée qui peinait à marcher, qui tenait d'une main un parapluie et de l'autre un sac de course. Nicolas se dit qu'elle vivait seule, ses enfants seraient partis depuis longtemps et son mari ne serait plus en vie depuis quelques années. Elle aurait fait les courses pour elle seule et passerait sa soirée devant la télé et s'endormirait seule. Nicolas aime bien cette dame, il ne la connait pas mais il la trouve très attachante et se retrouve en elle. Lui aussi passe ses soirées seul, à manger seul devant la télé avant de s'endormir tout habillé devant cette même télé. Il espère qu'avec la rentrée prochaine il ne se sentira plus aussi seul. Les copies des élèves l'occuperont une bonne partie de la soirée et de la nuit. Du moins, c'est ce qu'il espère. Il aime ça, être concentré sur quelque chose pour ne plus penser.  Il déteste cela, penser. Cela lui rappelle chaque chose vécue et chaque tracas de la vie quotidienne. 

A contrecœur, Nicolas se leva de sa chaise et rentra dans son appartement, finalement décidé à ranger et à faire le ménage pour s'occuper l'esprit. 

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