C'est la dernière fois que je traverse cette placette aux façades colorées. Cette rue aussi c'est la dernière fois. Et ce parc rassemblant à lui seul la moitié de mes souvenirs d'enfance, c'est aussi la dernière que je viendrai admirer ses arbres aux feuillages multicolores. Le portillon grince à peine, de peur de briser cette paix silencieuse qu'est l'automne. Les rires que je perçois sortent de mon imagination alors que l'odeur des pains au chocolat achetés après l'école me revient mélancoliquement.
Un livre on le commence, on le lit, pages après pages puis on le referme et on le range. Il paraît que la dernière page est la plus dure mais je peux vous assurer que c'est faux. Le plus dur est de clore la quatrième de couverture. Le plus dure est de ne pas essayer de relire rapidement ses passages préférés.
Lissant ma jupe parfaitement repassée je me relève lentement du banc vert bouteille ou je m'étais assise. La fin de l'après midi approche à grand pas. Mon rendez-vous aussi.
Longeant la plage de sable fin je cède à mon envie d'enfoncer une dernière fois mes pieds dans le sable doux. Retirant précautionneusement mes bottines je me laisse guider jusqu'aux doux grains blonds. Une sensation de fraîcheur m'envahit aussitôt et je remue mes orteils, les enfonçant plus profondément dans le sol moelleux. Je cours, je cours de toutes mes forces, y mettant toute mon âme le long de cette étendue bleue au innombrables nuances que l'on nomme océan. Mes longues boucles volent derrière moi, enfin libres dans la brise légère du soir qui tombe.
Je suis libre.
Enfin libre.
Je sors de ma prison de chair et d'os. Je vais pouvoir voler à ma guise dans le monde sans penser à rien, sans attaches, sans frontières.
Arrivée devant la haute falaise de granit je me stoppe un instant, jetant un regard le long de sa paroi sombre. Un escalier escarpé taillé a même la pierre monte jusqu'à son sommet, c'est là où je vais. Savourant une dernière seconde la caresse de la plage, mes pieds quittent ensuite le sable si délicat sous ma plante de pied pour la roche dure et abrasive. Je dépose mes bottines au bas de l'escalier vertigineux avant de commencer mon ascension. Je viens de terminer la dernière page. A nous deux dernière de couverture !
C'est les joues rouges que j'atteins le sommet de l'impressionnant rocher. Une étendue bleue et blanche se dessine devant moi. Ce spectacle magnifique est apaisant calme peu à peu le tambourinement de l'organe vital dans ma poitrine nommé cœur. Le soleil descend doucement se rapprochant à chaque seconde un peu plus de l'horizon. Je passe gracieusement le muret de pierre et m'approche un peu plus du vide vertigineux qui s'étend quelques mètres plus loin. Mon corps frêle frissonne quand une rafale se fait plus forte que les précédentes, au loin je peux apercevoir des voiles blanches tendues, profitant du vent levant. Mes longues boucles ébènes volent maintenant autour de mon visage dénué de tout artifice. Ma peau glaciale est semblable à du marbre. La fraîcheur de l'océan me pique telle des milliers de minuscules épines. Mais pourtant je suis sereine. Puisque tout va bientôt s'arrêter. Ma robe légère couvre à peine mon corps meurtrit par la vie, baigné par les derniers rayons du soleil.
Mon rendez-vous est arrivé. Je sais que je l'ai toujours attendu. Chaque chose, chaque personne fait son temps.
Le mien s'arrête aujourd'hui.Je ne relis aucunes pages, mon passage préféré est partit il y a bien longtemps et je m'en vais de ce pas le retrouver.
Avançant à longues enjambées jusqu'au vide, jusqu'au-delà de celui-ci. Mon corps fin s'arc-boute et me propulse avec une force dont je ne l'aurais jamais cru capable.L'océan m'appelle et je lui réponds des plus favorablement qu'il soit. Toutes ces nuances sombres m'invitent à elles.
Je décolle.
Je m'envole.
Je vole.
Je suis libre.Enfin.
La chute n'en est que plus brutale.
Je suis engloutie par l'élément déchainé tout comme l'astre rougeoyant est engloutit par l'horizon.
Une seule différence : lui, il reviendra prendre sa place demain.
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Méandres de pensées entortillées
PoesieDes mots avant tout, Des pensées ensuite, Le tout en un petit emberlificotage bien ficelé ! commencé le 5/12/18